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ARRIEN, LIV. I.

de la part de cet Alexandre ; aussitôt il députe, sous un prétexte, vers Atizyes, satrape de Phrygie, le persan Asisinès, qu’il honorait d’une confiance intime, et le charge secrètement de s’aboucher avec cet Alexandre, et de lui promettre pour prix de l’assassinat du prince, le royaume de Macédoine et mille talens d’or. Parménion surprit Asisinès, et en tira l’aveu complet, qu’il réitéra devant Alexandre, à qui Parménion l’envoya sous bonne garde. Le prince rassemble et consulte ses amis ; on le blâma d’avoir confié contre les règles de la prudence, le meilleur corps de cavalerie à un homme dont il n’était pas sûr. On ajouta qu’il fallait se hâter de le frapper avant qu’il put s’assurer des Thessaliens et tenter de nouvelles entreprises. Un prodige récent augmentait la crainte : on rapporte qu’Alexandre étant encore au siége d’Halicarnasse, et s’étant livré au sommeil vers le milieu du jour, on vit une hirondelle voltiger autour de sa tête avec un grand babil ; elle s’était abattue à plusieurs reprises sur les différens côtés de son lit, en redoublant, plus que de coutume, ce bruit importun. Le prince, accablé de fatigue, ne s’éveillait point ; cependant, incommodé par ses cris, il étendit la main pour l’écarter : mais loin de s’envoler, elle vint se percher sur sa tête, et ne cessa de chanter que lorsqu’il fut entièrement éveillé. Frappé de ce prodige, il consulta le devin Aristandre de Telmisse, qui répondit que sans doute un ami d’Alexandre lui dressait des embûches, mais qu’elles seraient découvertes : que l’hirondelle était la compagne, l’amie de l’homme, et le plus babillard des oiseaux.

Alexandre rapprocha alors ce discours du devin de celui du Persan : il envoie aussitôt Amphotère vers Parménion, avec quelques habitans de Pergues pour le conduite. Déguisé sous le vêtement des indigènes, Amphotère se rend en secret près de Parménion, expose de vive voix sa commission ; car on n’avait pas cru que la prudence permît de la confier par écrit. Le traître est arrêté et jeté en prison.

Alexandre quittant la Phasélide, fait marcher une partie de son armée vers Pergues, par les montagnes où les Thraces lui avaient montré un chemin difficile, mais bien plus court ; il mène le reste le long des côtes. On ne peut suivre cette dernière route que sous la direction des vents du Nord ; lorsque le vent du Midi règne, elle est impraticable. Contre toute espérance, et non sans quelque faveur des Dieux, ainsi que le crurent Alexandre et sa suite, les vents heureux s’élevèrent plutôt que les autres, et favorisèrent la rapidité de son passage.

Au sortir de Pergues, les principaux des Aspendiens vinrent à sa rencontre pour lui soumettre leurs villes, en le priant de ne point y mettre de garnison. Ils l’obtinrent ; mais Alexandre exigea cinquante talens pour le paiement de ses troupes, et les chevaux qu’ils fournissaient en tribut à Darius. Ils souscrivirent à toutes ces conditions.

Alexandre s’avance vers Sidé ; ses habitans sont originaires de Cumes en Éolie : ils racontent une chose étrange sur leur origine ; que leurs ancêtres, qui abordèrent de Cumes en ces lieux, oublièrent tout-à-coup la langue grecque, et parlèrent une langue barbare qui n’était point celle des peuples voisins, mais qui leur était propre, et les distingue encore des nations qui les entourent.

Alexandre ayant jeté dans Sidé une garnison, marche sur Syllium, place fortifiée, défendue par les troupes des Barbares, par des étrangers soldés, et