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En s’étendant jusqu’à la cavalerie, la phalange formait le centre et la droite. Nous avons dit qu’elle fut disposée d’une manière tout-à-fait neuve pour les Grecs. Philopœmen en fit deux lignes, avec des intervalles entre chaque section composée de seize files. Les sections de la seconde ligne étaient vis-à-vis les intervalles de la première. La cavalerie, pesamment armée, des Achéens flanquait l’aile droite naturellement fortifiée, et formait une réserve. Ces troupes étaient placées derrière le ravin, qui divisait la plaine. Attendant l’ennemi, dans cette position, Philopœmen harangua ses soldats : « Ce jour, dit-il, décidera si vous serez libres ou esclaves. »

On vit alors s’avancer les trois colonnes de Machanidas. Elles s’approchèrent de plus en plus sans faire aucune disposition pour se mettre en bataille. Comme le centre, que formait la phalange, se porta vers la droite de l’armée achéenne, Philopœmen s’imagina que Machanidas avait peut-être choisi un ordre de bataille moins commun, en fortifiant la tête de cette colonne de tout ce qu’il y avait de plus brave dans son armée, et qu’il voulait l’attaquer en faisant un peu biaiser sa phalange, à l’imitation d’Épaminondas. Il se tint sur ses gardes, mais ne changea pas ses dispositions avant d’avoir bien pénétré le dessein de son ennemi.

Sur ces entrefaites, la colonne de la droite, composée de troupes légères, parmi lesquelles il y avait aussi des Tarentins, fit à droite et forma sa ligne vis-à-vis la gauche de Philopœmen ; la section de la phalange, qui occupait la tête de la colonne du centre, exécuta la même manœuvre ; elle marcha par son flanc, et les autres sections la suivirent, de sorte qu’en peu de temps toute la ligne fut formée parallèlement à celle des Achéens. La cavalerie et les troupes légères de la gauche s’établirent de ce côté pour couvrir le flanc de la phalange.

Toutes les dispositions étant terminées, Philopœmen supposa que les Lacédémoniens, suivant leur coutume, allaient charger brusquement ; mais il fut bien surpris, quand il vit des intervalles s’ouvrir entre les sections de leur armée, et sortir, en avant de la ligne, des catapultes et des balistes, avec des gens destinés à les servir. Il comprit alors que Machanidas connaissait le terrain sur lequel on l’avait attiré.

Le général achéen ne se déconcerta pas. Sentant la nécessité d’empêcher le jeu de ces machines, il s’avança à la tête de ses Tarentins ; les fit suivre d’un corps d’infanterie légère ; et lui commanda, pendant qu’il en serait aux mains avec l’ennemi, de se répandre sur tout le front, afin d’accabler les gens occupés aux catapultes. Il savait bien que la phalange ne s’avancerait pas, ou qu’en ce cas elle empêcherait le jeu des machines. Il espéra encore occuper si bien toute la droite ennemie, que Machanidas n’oserait détacher du monde pour soutenir ses pointeurs.

Il raisonna juste en partie. Les Lacédémoniens perdirent bientôt l’envie de se servir de leurs catapultes, dont la plupart des batteries furent dérangées par la première charge des Achéens. Toute l’attention se porta sur le combat des ailes, où bientôt, de part et d’autre, les troupes étrangères furent aux prises.

Machanidas ayant remarqué que Philopœmen avait jeté toute son infanterie étrangère sur sa gauche, et que la cavalerie de l’autre aile ne bougeait point, donna ordre de faire filer par derrière cette infanterie légère qu’il avait postée pour soutenir la cavalerie de sa gauche. Le général achéen vit la manœuvre qui allait ôter l’égalité du combat à son aile