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ARRIEN, LIV. II.

ses ordres la cavalerie des alliés pour tenir la province. Alors vint à sa rencontre le fils de Gérostrate, roi des Aradiens et des insulaires finitimes, lequel, à l’exemple des rois de Phénicie et de Cypros, avait réuni ses vaisseaux à la flotte d’Autophradates ; Straton place sur la tête d’Alexandre une couronne d’or, et lui livre l’île d’Arados, et Marathe, ville puissante et riche, située en face, sur le continent, et Mariammé et toutes les places de ses états.

Alexandre était à Marathe, lorsqu’il reçut des députés et des lettres de Darius, qui demandaient la liberté de sa mère, de sa femme et de ses enfans. Darius rappelait les termes du traité qui avait existé entre Artaxerxès et Philippe. Il accusait ce dernier de l’avoir rompu, en attaquant, sans aucun sujet de plainte, Arsès, fils d’Artaxerxès. Darius ajoutait que, depuis son avènement au trône des Perses, Alexandre n’avait point député pour renouveler leur ancienne alliance ; qu’au contraire, il avait passé en Asie à la tête d’une armée, et traité les Perses en ennemis ; que leur roi avait dû alors prendre les armes pour défendre son pays et l’honneur du trône ; que la volonté des Dieux avait décide de l’issue du combat ; mais que roi, il redemandait à un roi sa mère, sa femme et ses enfans captifs ; qu’il implorait son amitié, et le priait d’envoyer des députés qui, réunis aux siens, Ménisque et Arsima, recevraient et donneraient des gages réciproques d’alliance.

Alexandre renvoie les députés de Darius avec une lettre, et Thersippe dont la commission est de la remettre sans autre explication. Elle était conçue en ces termes :

« Vos ancêtres entrèrent dans la Macédoine et dans la Grèce, et les ravagèrent ; ils n’avaient reçu de nous aucun outrage. Généralissime des Grecs, j’ai passé dans l’Asie pour venger leur injure et la mienne. En effet, vous avez secouru les Périnthiens qui avaient offensé mon père. Ochus a envoyé une armée dans la Thrace soumise à notre empire. Mon père a péri sous le fer des meurtriers que vous avez soudoyés, et, partout dans vos lettres, vous avez fait gloire de ce crime. Après avoir fait assassiner Arsès et Bagoas, vous avez usurpé le trône contre toutes les lois de la Perse ; coupable envers les Perses, vous avez écrit ensuite des lettres ennemies dans la Grèce pour l’exciter à prendre les armes contre moi ; vous avez tâché de corrompre les Grecs à prix d’argent, qu’ils ont refusé, à l’exception des Lacédémoniens ; et cherchant à ébranler, par la séduction de vos émissaires, la foi de mes alliés et de mes amis, vous avez voulu rompre la paix dont la Grèce m’est redevable. C’est pour venger ces injures dont vous êtes l’auteur, que j’en ai appelé aux armes. J’ai d’abord vaincu vos satrapes et vos généraux, ensuite votre armée et vous-même. La faveur des Dieux m’a rendu maître de votre empire ; vos soldats, échappés du carnage et réunis auprès de moi, se louent de ma bienveillance ; ce n’est point la contrainte, mais leur volonté qui les retient sous mes drapeaux. Je suis le maître de l’Asie, venez me trouver à ce titre. Si vous concevez quelque crainte de ma loyauté, envoyez vos amis recevoir ma foi. Venez, et je jure non seulement de vous rendre votre mère, votre femme et vos enfans, mais encore de vous accorder tout ce que vous me demanderez. Du reste, lorsque vous m’adresserez vos lettres, souvenez-vous que vous écrivez au souverain de l’Asie ;