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ARRIEN, LIV. III.

et obtient les augures les plus favorables.

On raconte à cette occasion un fait qui ne me paraît pas hors de vraisemblance. Alexandre ordonne aux ouvriers de marquer la place des murs à l’endroit qu’il leur indique : ceux-ci n’ayant rien sous la main pour les tracer, l’un d’eux s’avise de prendre la farine des soldats, la répand sur les points désignés par Alexandre, et marque ainsi le plan circulaire des murs de la ville.

Alors les devins, et particulièrement Aristandre de Telmisse, dont les prédictions avaient été souvent confirmées, annoncent à Alexandre qu’un jour toute sorte de biens, et particulièrement ceux de la terre, abonderaient dans cette ville.

Cependant Hégéloque aborde en Égypte avec ses vaisseaux, et rapporte de la Grèce les plus heureuses nouvelles. Les habitans de Ténédos ont quitté, pour le parti d’Alexandre, celui des Perses, où ils avaient été engagés de force. Ceux de Chio ont secoué le joug des tyrans établis par Autophradates et Pharnabase ; ils ont pris Pharnabase lui-même. Il est jeté dans les fers avec Aristonicus, tyran de Méthymnée. Ce dernier s’était réfugie avec cinq vaisseaux de pirates dans le port de Chio, qu’il croyait encore au pouvoir des Perses, d’après l’assurance des sentinelles avancées qui lui avaient dit que Pharnabase y stationnait avec sa flotte. Tous ces pirates avaient été mis à mort. Hégéloque amenait prisonniers Aristonicus, Apollonidès de Chio, Phisinus et Mégarée, auteurs et fauteurs de la première défection, qui avaient exercé sur l’île une violente tyrannie. Charès était chassé de Mitylène : toutes les autres villes de Lesbos s’étaient rendues par composition. Amphotère, envoyé à Cos avec soixante vaisseaux, avait été reçu par les habitans de cette île, dont il était déjà en possession lors du passage d’Hégéloque. Celui ci amenait tous les prisonniers, excepté Pharnabase, échappé à Cos, des mains de ses gardes.

Alexandre renvoya ces tyrans aux villes respectives, qu’il établit arbitres de leur sort ; mais il fit conduire sous bonne garde, à Éléphantis, ville d’Égypte, Apollonidès et ses complices.

Chap. 2. Cependant Alexandre eut fantaisie de voir le temple d’Ammon en Lybie, et d’en consulter l’oracle, qui passait pour infaillible. Persée, Hercule même l’avaient interrogé ; l’un, envoyé par Polydecte contre la Gorgone ; l’autre, marchant en Lybie contre Antée, et en Égypte contre Busiris. Alexandre voulait rivaliser de gloire avec ces héros dont il était descendu ; rapportant lui-même son origine à Ammon, puisque la fable faisait remonter à Jupiter celle de Persée et d’Hercule. Son dessein était d’ailleurs de s’instruire de sa destinée, ou du moins, de passer pour en être instruit. Il s’avança donc le long des côtes jusqu’à Parétonium, et parcourut ainsi la longueur de seize cents stades, dans un désert où l’eau ne lui manqua pas totalement, au rapport d’Aristobule. De là il tourne vers le temple d’Ammon, à travers le désert et les sables brûlans de la Lybie, où il eut éprouvé les horreurs de la soif, sans une pluie abondante qui fut regardée comme un prodige, ainsi que le fait suivant.

Quand le vent du midi souffle dans ces contrées, il élève une si grande quantité de sable, qu’il en couvre les chemins disparus. Alors ces plaines offrent l’aspect d’un océan immense ; ni arbres, ni hauteurs pour se reconnaître ; rien n’indique la route qu’il doit tenir, au voyageur plus malheureux que le nocher, dont les astres du moins di-