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ARRIEN, LIV. III.

suivait, de lui livrer Darius, et d’obtenir grâce à ce prix ; sinon de lever le plus de troupes qu’ils pourraient, et de se partager l’empire, qu’ils se garantiraient réciproquement. Bessus les commandait pour l’instant, comme parent de Darius, et satrape du pays dans lequel ils se trouvaient.

Cette nouvelle ranime l’ardeur d’Alexandre ; malgré les fatigues que ses troupes et ses chevaux avaient éprouvées dans une longue route, il force sa marche toute la nuit, et le jour suivant, à midi, il arrive près d’un bourg où les fuyards avaient campé la veille.

Il apprend que les Barbares doivent marcher de nuit. Il peut les couper par un chemin plus court, mais il n’y trouvera point d’eau : n’importe, il s’y fait conduire. Son infanterie ne pourrait suivre les chevaux ; cinq cents cavaliers cèdent les leurs à autant de fantassins d’élite, et à leurs officiers qui les montent, sans changer d’armes. Nicanor, commandant les Hypaspistes, Attalus, chef des Agriens, et quelques autres légèrement armés, suivent la route qu’on prise les fuyards ; le reste de l’infanterie marche en bataillon carré.

Alexandre part sur le soir, et court à toutes brides. Après un chemin de quatre cents stades, au point du jour il atteint les Barbares qui fuyaient en désordre et sans armes. Peu lui résistent : à son aspect, la plupart se sauvent sans combattre ; quelques-uns périssent dans l’action ; tout le reste prend la fuite.

Cependant Bessus et ses complices entraînent Darius. Dès qu’ils se virent pressés par Alexandre, Satibarzane et Barzaente massacrent Darius, le laissent mourant, et s’échappent avec six cents chevaux.

À l’arrivée d’Alexandre, Darius n’était plus. Le vainqueur envoie son corps aux Perses pour recevoir la sépulture et les honneurs funèbres rendus à ses prédécesseurs. Il établit satrape des Parthes et des Hyrcaniens, le Parthe Ammynape qui, de concert avec Mazacès, lui avait livré l’Égypte ; et lui adjoint Tlepolème, un des Hétaires.

Ainsi périt Darius, à l’âge de cinquante ans, Aristophon étant Archonte à Athènes, dans le mois hécatombœon. Ce prince faible et peu versé dans l’art militaire n’opprima point ses peuples : attaqué par les Grecs et les Macédoniens, il n’en eut pas le temps ; et quand il en aurait eu la volonté, ses propres périls suffisaient pour l’en détourner. Il fut malheureux pendant tout le cours de sa vie, et son règne ne fut qu’un enchaînement de calamités.

En effet, la guerre commença par la défaite de ses satrapes sur le Granique ; il perd l’Ionie, l’Éolie, les deux Phrygies, la Lydie et la Carie, à l’exception d’Halicarnasse qui lui fut bientôt enlevée, ainsi que toutes les côtes maritimes jusqu’à la Cilicie. Battu complètement lui-même près d’Issus, il voit sa mère, sa femme et ses enfans tomber au pouvoir de l’ennemi ; dépouillé de la Phénicie et de l’Égypte, il livre la bataille d’Arbelles, s’enfuit des premiers, et perd une armée innombrable, l’élite de vingt nations. Fugitif, banni dans son empire, dénué de tout secours, roi en même temps et captif de ses sujets, il est traîné avec ignominie par les compagnons de sa fuite, qui le trahissent et l’égorgent. Et, par un contraste étrange, on le voit obtenir, après sa mort, des obsèques magnifiques, ses enfans une éducation convenable ; et Alexandre devenir son gendre.

Chap. 8. Prenant ensuite les troupes qu’il avait laissées en arrière, Alexandre marche vers l’Hyrcanie, située à gauche du chemin qui conduit dans la