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ARRIEN, LIV. IV.

dre à la chasse du sanglier, Hermolaüs prévint le prince et tua la bête. Celui-ci, irrité de se voir enlever l’honneur de la chasse, fit battre Hermolaüs de verges, en présence de ses camarades : on lui ôta son cheval. L’adolescent communique son ressentiment à Sostrate, son égal, son amant : la vie lui est insupportable, s’il ne venge l’injure qu’il a reçue d’Alexandre ; l’amour de Sostrate lui fait partager la vengeance. Ils engagent Antipater, Épimène, Anticlès et Philotas. Le tour de la garde d’Antipater étant arrivé, on arrêta d’égorger Alexandre pendant la nuit ; mais ce soir-là même, Alexandre prolongea la débauche jusqu’au point du jour.

Aristobule diffère : il prétend qu’une femme nommée Syra, qui se mêlait de divination, avait suivi Alexandre et les Grecs, qui s’en étaient d’abord amusés ; mais que l’événement ayant justifié plusieurs de ses prédictions, elle avait cessé d’être méprisée, et avait obtenu d’entrer jour et nuit dans la tente du roi, et même d’y rester pendant son sommeil. Le prince se retirait le soir du festin, lorsque accourant, et comme remplie de la Divinité, elle le conjura de retourner à table et d’y passer la nuit. Alexandre crut céder aux ordres célestes ; son absence trompe les conjurés ; l’un d’entre eux, Épimène, conte tout le secret le lendemain à Chariclès son amant ; Chariclès le redit à Euryloque. Euryloque se rend aussitôt dans la tente d’Alexandre, et révèle toute la conjuration à Ptolémée. Alexandre, instruit par ce dernier, fait arrêter tous ceux qu’Euryloque a dénoncés. Les douleurs de la question leur arrachent l’aveu du projet et les noms de tous leurs complices ; et même, selon Aristobule et Ptolémée, ils avaient été excités par Callisthène, mais, selon d’autres écrivains, Alexandre céda moins aux soupçons et à la délation qu’à sa haine contre Callisthène, redoublée encore par la liaison de ce philosophe avec Hermolaüs. Celui-ci conduit devant les Macédoniens : « Oui, j’ai conjuré contre Alexandre ; un homme libre ne peut supporter l’outrage. » Et rappelant alors tous les crimes du tyran, la mort injuste de Philotas, celle de Parménion et des autres, l’assassinat de Clitus plus affreux encore, cette affectation de revêtir la parure asiatique, cette adoration forcée, ces scènes de débauche et d’ivresse. « Voilà, ajouta-t-il, ce que je n’ai pu supporter, voilà ce qui m’avait inspiré le dessein de rendre la liberté aux Macédoniens. »

À ces mots Hermolaüs et ses complices sont saisis et lapidés. Selon Aristobule, Callisthène, chargé de fers, fut traîné à la suite de l’armée, y tomba malade et mourut. Selon Ptolémée, il finit sa vie dans les tortures et sur une croix, tant est grande la diversité des récits. Les historiens témoins des faits ne s’accordent pas même entre eux, l’incertitude est encore plus marquée chez les autres. Je crois avoir présenté assez de détails ; j’ai rassemblé tous ceux qui ont quelque analogie entre eux, et j’ai rapporté à la mort de Clitus quelques événemens qui la suivirent de près.

Chap. 6. Les envoyés d’Alexandre dans la Scythie reviennent accompagnés d’une nouvelle députation que le successeur du roi scythe lui envoyait à son avènement. Les députés venaient l’assurer d’une entière soumission, lui apportaient les plus grands présens, et lui offraient la fille de leur prince en mariage, comme un gage d’amitié et d’alliance. Que si cette offre n’était point acceptée, leur roi proposait aux officiers de l’armée, et à ceux qui étaient le plus chers au conquérant, les filles des premiers de la Scythie ; que, si on l’exigeait, il