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ARRIEN, LIV. VII.

dans les combats, les émules des Barbares ; formé par lui, votre courage vous défendit mieux que l’avantage des lieux ; mon père vous appela dans des villes où d’excellentes institutions achevèrent de vous polir ; il vous soumit ces mêmes Barbares qui vous avaient fatigués de leurs éternels ravages ; d’esclaves, vous devîntes leurs maîtres ; une grande partie de la Thrace fut ajoutée à la Macédoine ; on s’empara des places maritimes les plus importantes ; votre commerce s’ouvrit des voies nouvelles ; le produit de vos mines en devint plus assuré. Ces Thessaliens qui vous faisaient trembler, furent assujettis. L’échec des Phocéens vous ouvrit une route large et facile au sein de la Grèce, où vous ne pénétriez que difficilement. La politique des Athéniens et des Thébains, qui vous dressaient des embûches, fut tellement humiliée, que ces deux peuples, dont l’un exigeait de vous un tribut, et dont l’autre vous commandait, ont recherché depuis votre alliance et votre protection. Entré dans le Péloponnèse, Philippe y rétablit l’équilibre ; nommé généralissime de la Grèce dans l’expédition contre les Perses, l’éclat de ce titre rejaillit moins sur sa personne que sur la nation macédonienne. Tels sont, à votre égard, les bienfaits de mon père ; considérables sans doute, mais inférieurs aux miens.

À la mort de Philippe, le trésor royal, renfermant à peine quelques vases d’or et quelques talens, était grevé d’une dette de cinq cents ; j’en empruntai presque le double, et vous tirant de la Macédoine, qui pouvait à peine suffire à votre subsistance, je vous ai ouvert l’Hellespont à la vue des ennemis maîtres de la mer. Les généraux de Darius vaincus au Granique, la domination macédonienne s’est étendue sur toute l’Ionie, l’Éolie, les deux Phrygies et la Lydie. Un siége vous a rendu maîtres de Milet ; cette foule de peuples qui se sont alors soumis volontairement, sont vos tributaires. Ainsi l’Égypte et Cyrène, la Cœlo-Syrie, la Palestine, la Mésopotamie sont vos domaines ; Babylone, Bactres, Suse, sont à vous ; l’opulence des Lydiens, les trésors des Perses, les richesses de l’Inde, l’Océan même, tout vous appartient : vous êtes les satrapes, les chefs, les premiers. Qu’ai-je gardé pour moi de toutes ces conquêtes ? Le sceptre, le diadême. Je n’ai rien en propre : quels sont mes trésors ? ceux que vous possédez, ceux que je vous réserve. Je ne me distingue point par des dépenses personnelles ; votre nourriture est la mienne ; je dors sous la tente comme vous ; la table de quelques officiers est même plus splendide que celle de leur prince ; et tandis que vous reposez tranquillement, vous savez que je veille pour vous. Serait-ce le fruit de vos travaux, de vos périls et non des miens ? Qui peut se vanter ici d’en avoir plus affronté pour moi, que moi pour lui ? Montrez vos blessures, je montrerai les miennes ; mon corps est couvert d’une foule de cicatrices honorables ; glaives, pieux, flèches, pierres, javelots, machines, nulle arme dont je n’aie reçu l’atteinte. Après avoir tout affronté pour vous combler de gloire et de richesses, ne vous menai-je pas triomphans partout à travers les plaines, les montagnes, les fleuves, les terres et les mers ? Les noces de plusieurs d’entre vous ont accompagné les miennes, et leurs enfans seront alliés de mes enfans. Les dettes que chacun de vous avait contractées, je les ai acquittées sans au-