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POLYBE, LIV. XXXIII.

père avait toujours si constamment conservé avec le peuple romain. Il reçut du sénat et des amis du roi son père toutes les marques d’amitié qu’il devait attendre. On lui accorda tout ce qu’il souhaitait ; on lui fit tous les honneurs qui convenaient à son âge, et, quelques jours après, il repartit pour ses états. Dans toutes les villes de Grèce où il passa, il fut reçu avec de grandes démonstrations de joie.

Démétrius était arrivé en même temps à Rome. Comme ce n’était qu’un enfant, l’appareil de sa réception fut médiocre, et il ne fit pas long séjour. Quand il fut parti, Hiéroclès, qui depuis long-temps était dans la ville, conduisit avec lui dans le sénat Laodice et Alexandre. D’abord le jeune prince pria les Pères Conscrits en peu de mots de se rappeler combien Antiochus leur était cher, et l’alliance qu’ils avaient avec lui ; de le mettre en possession du trône que son père avait occupé, ou du moins de lui accorder la liberté de retourner en Syrie, et de ne pas empêcher qu’on ne l’aidât à recouvrer le royaume de ses pères. Héraclide prenant ensuite la parole, fît un grand éloge d’Antiochus, s’éleva vivement contre Démétrius et conclut en disant que l’on devait accorder au jeune prince et à Laodice, sa sœur, la liberté de retourner dans leur patrie ; que rien n’était plus juste, puisqu’ils étaient enfans naturels d’Antiochus. Tout ce qu’il y avait de gens sensés parmi les sénateurs fut choqué de ce discours. On regarda cela comme une de ces fictions que les poëtes produisent sur la scène, et on n’eut que de l’horreur pour l’auteur de cette intrigue. Le plus grand nombre cependant, fasciné par l’artificieux Héraclide, conclut à dresser un décret en ces termes : « Alexandre et Laodice, enfans d’Antiochus, qui a été notre ami et notre allié, ont demandé, dans le sénat, qu’il leur fût permis de retourner dans leur patrie et d’implorer le secours de leurs amis, pour remonter sur le trône de leur père, et le sénat leur permet l’un et l’autre. » Ces permissions obtenues, Héraclide leva sur-le-champ des troupes étrangères et attira dans son parti tout ce qu’il put de personnages illustres. De Rome il alla à Éphèse, et là il fit les préparatifs de la guerre qu’il méditait. (Ambassades.) Dom Thuillier.


V.


Beaucoup d’hommes, par avarice ou par ambition, sont précipités du haut de leur fortune, comme Holopherne, roi de Cappadoce, qui finit par se perdre et tomber du trône. Quant à nous, racontant succinctement le retour d’Ariarathe dans son royaume, nous continuerons l’histoire suivant l’ordre que nous nous sommes imposé pour tout notre ouvrage. En effet, après avoir négligé les affaires de la Grèce, nous avons entrepris celles d’Asie en Cappadoce, parce qu’on ne peut raisonnablement séparer le départ d’Ariarathe pour l’Italie, de son retour au trône ; nous donnerons ensuite une esquisse des affaires grecques, à l’époque où arriva l’étrange événement au sujet de la ville d’Orope. Nous en parcourrons quelques points, nous en laisserons d’autres, resserrant ainsi toute l’aventure, de peur que l’obscurité qui enveloppe une partie de ces faits ne rende notre narration diffuse et difficile à comprendre ; car si le tout paraît à peine digne de l’attention d’un lecteur, comment une partie, tronquée comme elle l’est, satisferait-elle des gens peu curieux de s’instruire ?