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POLYBE, LIV. XXXVIII.

Sextus député romain, arrive dans l’Achaïe. — Les Achéens s’obstinent à amener leur propre ruine.


Sextus César et ses collègues, allant de Rome dans le Péloponnèse, trouvèrent en chemin un député de la faction nommé Théaridas, que les séditieux envoyaient à Rome pour y rendre compte de leurs procédés contre Aurélius, et lui conseillèrent de reprendre la route de son pays, où il entendrait les ordres qu’ils avaient à signifier aux Achéens de la part du sénat. Arrivés à Égie, où la diète de la nation avait été convoquée, ils parlèrent avec beaucoup de modération et de douceur. Dans leur discours, ils n’insérèrent pas un mot du mauvais traitement fait au député, ou ils l’excusèrent mieux que les Achéens eux-mêmes n’auraient fait. Ils se bornèrent à exhorter le conseil à ne pas augmenter une première faute, à ne pas irriter davantage les Romains, et laisser à Lacédémone en paix. Des remontrances si modérées furent extrêmement agréables à tout ce qu’il y avait de gens sensés. Ils rappelèrent leur conduite passée, et se souvinrent de la rigueur que Rome avait exercée contre les états qui avaient osé se mesurer avec elle. Le grand nombre, n’ayant rien à répliquer aux raisons de Julius, se tint tranquille ; mais dans le fond il se couvait un feu de mécontentement et de rébellion que le discours des députés n’éteignit pas. Ce feu était allumé par le souffle de Diæus et de Critolaüs, et de ceux de leur faction, tous choisis dans chaque ville entre ce qu’il y avait de gens les plus scélérats, les plus impies et les plus pernicieux. Pour le conseil de la nation, non-seulement il reçut mal les témoignages d’amitié que les députés romains lui donnaient, mais il fut assez insensé pour se mettre en tête qu’ils n’avaient parlé avec tant de douceur que parce que leur république, déjà occupée de deux grandes guerres en Afrique et en Espagne, craignait que les Achéens ne se soulevassent encore contre elle, et que le temps était venu de secouer son joug. Cependant on prit avec les ambassadeurs des manières assez polies ; on leur dit qu’on enverrait Théaridas à Rome ; qu’ils n’avaient qu’à se rendre à Tégée ; qu’à traiter là avec les Lacédémoniens et les disposer à la paix. Par cette fourberie, on amusa le malheureux peuple que l’on gouvernait, et on l’associa au téméraire projet qu’on méditait depuis long-temps d’exécuter. C’est ce que l’on devait attendre de l’inhabileté et de la dépravation des chefs, qui achevèrent de perdre la nation de la manière que nous allons dire.

Les députés romains allèrent en effet à Tégée, et amenèrent les Lacédémoniens à s’accommoder avec les Achéens et à suspendre toute hostilité, jusqu’à ce que des commissaires vinssent de Rome pour pacifier tous leurs différends. Mais la cabale de Critolaüs fit en sorte que personne, excepté le préteur, ne se rendît au congrès. Il y arriva lorsqu’on ne l’attendait presque plus. On conféra avec les Lacédémoniens ; mais Critolaüs ne voulut se relâcher sur rien. Il dit qu’il ne lui était pas permis de rien décider sans l’aveu de la nation, et qu’il rapporterait l’affaire dans la diète générale, qui ne pourrait être convoquée que dans six mois. Cette supercherie choqua vivement Julius, qui, après avoir congédié les Lacédémoniens, partit pour Rome, où il dépeignit Critolaüs comme un homme extravagant et furieux. Les députés ne furent pas plutôt sortis du Péloponnèse, que Critolaüs courut de ville en ville, et cela pendant tout l’hiver, et convoqua des assemblées, comme pour faire connaître ce qui avait été dit