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POLYBE, LIV. XL.

FRAGMENS
DU

LIVRE QUARANTIÈME.


I.


Pythéas.


Pythéas était frère d’Acatès et fils de Cléomène. Ses mœurs d’abord furent assez déréglées, mais il se flatta qu’on pardonnerait aisément ce vice à sa jeunesse. Chargé des soins du gouvernement, il ne changea point ; on remarqua toujours en lui la même hardiesse et la même avidité de s’enrichir. Ces vices s’accrurent beaucoup par la faveur d’Eumène et de Philetère. (Vertus et Vices.) Dom Thuillier.


Diæus


Après la mort de Critolaüs, préteur des Achéens, la loi portant que le préteur mort serait remplacé par son prédécesseur, jusqu’à ce que la diète de la nation en choisît un autre ; Diæus reprit le gouvernement des affaires de la ligue achéenne. Revêtu de cette dignité, après avoir envoyé du secours à Mégare, il alla à Argos, et de là il écrivit à toutes les villes de l’État de mettre en liberté ceux de leurs esclaves qui étaient en âge de porter les armes, d’en former un corps de douze mille hommes, de les armer et de les envoyer à Corinthe. Il fit en cette occasion la faute qui lui était assez ordinaire. Cette charge fut imposée sans prudence et sans égalité. De plus, quand dans une maison il n’y avait pas assez d’esclaves pour faire le nombre qu’elle était obligée de fournir, il fallait qu’elle y suppléât par des esclaves étrangers. Il fit plus encore : comme l’État avait été trop affaibli par les guerres soutenues contre les Lacédémoniens, pour porter ce nouveau fardeau, il força les personnes riches de l’un et de l’autre sexe de promettre qu’elles s’en chargeraient en particulier. Enfin il ordonna que toute la jeunesse s’assemblât en armes à Corinthe. Ces ordres remplirent les villes de troubles ; le soulèvement fut universel ; on fut partout pénétré de douleur. Les uns félicitaient ceux qui étaient morts dans les guerres précédentes, les autres portaient compassion à ceux qui partaient ; on les conduisait avec larmes, comme si l’on eût eu quelque pressentiment de ce qui leur devait arriver. Le sort des esclaves qu’on enlevait arrachait les larmes des yeux. Les uns venaient d’être affranchis, les autres attendaient la même grâce ; les riches citoyens étaient obligés, malgré eux, de contribuer à cette guerre de tout ce qu’ils avaient de biens. On arrachait aux femmes leurs parures et celles de leurs enfans, pour les faire servir à leur ruine.

Ce qui était le plus triste, c’est que la peine que causaient ces ordres différens qui se succédaient les uns aux autres détournait l’attention des affaires générales, et empêchait les Achéens de prévoir le péril évident où on les jetait,