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premiers coups devenaient si redoutables ; leurs sabres, qui ne frappaient que de taille, semblent même tout-à-fait contraires à l’esprit d’une ordonnance serrée. La courte épée des Espagnols n’eût pas été non plus d’un grand secours aux rangs nombreux de la phalange ; et les Africains seuls paraissent avoir apporté en Italie la manière de combattre des Grecs. Encore sait-on qu’Annibal leur fit prendre de suite les armes des Romains, ce qui les obligea d’éclaircir leurs rangs, et d’en diminuer la profondeur.

Varron, général inepte autant que présomptueux, était embarrassé de sa nombreuse infanterie. Au lieu de profiter de cette supériorité pour s’étendre sur un aussi grand front qu’il aurait pu le faire, il crut rendre les corps plus maniables en les resserrant. Sans doute il dut compter aussi sur la force d’impulsion qui pouvait résulter de sa nouvelle ordonnance ; et nous avons vu qu’avec une disposition différente, Regulus commit la même faute à Tunis.

Quoi qu’il en soit, Varron ayant son aile droite du côté de la rivière, y posta la cavalerie romaine qui n’était que de deux mille quatre cents chevaux, et qu’il voulait ménager en l’appuyant au fleuve.[1] La cavalerie extraordinaire, et celle des alliés, faisant en tout quatre mille huit cents chevaux, se placèrent à l’aile gauche. Enfin l’infanterie légère, qui formait un corps de vingt-deux mille quatre cents hommes, fut portée en avant de la ligne ; puis elle se replia entre les intervalles des triaires, suivant sa manière de combattre.

Sur l’avis qu’Annibal reçut du mouvement de Varron vers l’autre côté de l’Aufide, il fit d’abord passer la rivière à ses troupes légères, parmi lesquelles se trouvaient ses frondeurs baléares, et leur ordonna de se ranger en face des légions romaines pour masquer ses mouvemens. Lui-même suivit bientôt avec le reste de l’armée.

La précipitation des Romains à former leur ordre de bataille, en fit voir de suite les dispositions, et ce fut d’après cette connaissance qu’Annibal régla les siennes. Il rangea d’abord, sur sa gauche près du fleuve, sa cavalerie espagnole et gauloise, pour l’opposer à celle des Romains. Elle montait à huit mille hommes, divisés, comme on le suppose, en îles ou escadrons de soixante-quatre maîtres, portant huit pour le front et la profondeur. Mais comme ces îles ne pouvaient déborder les turmes légionnaires à cause du fleuve, une partie se plaça en seconde ligne. De ce côté, du moins, la supériorité de sa cavalerie lui assurait la victoire.

Il ne se promit pas que ses Numides, répandus par pelotons sur son aile droite, renverseraient la cavalerie alliée, il voulait seulement la tenir en échec, et l’empêcher d’inquiéter son infanterie, jusqu’à ce que ses escadrons de la gauche, ayant emporté les cavaliers romains, eussent le temps de passer d’une aile à l’autre, et d’accourir au secours des Numides.

Son armée comptant quarante mille hommes d’infanterie, il lui en restait environ trente-deux mille au corps de bataille. Les Africains, qui formaient l’élite de ses troupes, se placèrent aux deux extrémités, et joignirent les ailes de la cavalerie. Il avait couvert et armé ces vieux compagnons de sa gloire avec les dépouilles des Romains, et les rendait par là plus formidables.

Le centre fut occupé par les Gaulois et les Espagnols. Les Gaulois, nus jusqu’à la ceinture, garantis par un simple

  1. Voy. l’Atlas.

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