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d’une multitude prodigieuse de ruisseaux, leur offraient d’excellens pâturages ; ils ne pouvaient trouver un sol plus convenable, et sans doute la population s’y multiplia rapidement.

Quelques excursions que firent ces hordes chez les Étrusques et vers les bords du golfe Adriatique ; des apparitions plus rares encore que l’on prête à d’autres Gaulois dans la Germanie ; tel est à peu près tout ce qui forme l’histoire de nos ancêtres pendant une période de deux cents ans.

Massilie fut bientôt attaquée en même temps, et par les Gaulois, chez qui elle portait les premiers germes de civilisation, et par le sénat de Carthage qui voyant d’un œil jaloux la création de cette république, voulait l’étouffer dans son enfance. Les Massiliens contraignirent les Gaulois à s’éloigner de leur ville, remportèrent aussi quelques avantages sur la flotte carthaginoise, et envoyèrent des présens à Delphe qui semble avoir été la métropole de la religion des Grecs.

Ceux qui avaient porté ces dons revenaient en passant par Rome, lorsqu’ils trouvèrent cette ville attaquée par les Gaulois. Ils formèrent avec elle cette alliance durable qu’un intérêt commun fit naître et cimenta. En effet, Rome, pendant bien des siècles, attaqua l’indépendance de presque tous les peuples, et toujours elle respecta Marseille. On peut même dire que jamais elle ne lui disputa son commerce. Telle fut sans doute la cause de cette grande fidélité que les Marseillais conservèrent pour Rome dans tous les temps ; et s’ils ne se livrèrent point, comme les Carthaginois, à l’esprit de conquêtes, c’est qu’ils se trouvèrent contenus par la grandeur et les forces de cette maîtresse du monde, dont ils aimaient mieux être alliés que rivaux.

Les Gaulois qui attaquaient Rome avaient paru d’abord chez les Étrusques au nombre de trente mille, afin d’investir la ville de Clusium. Ils étaient tous de la tribu des Sénons, et marchaient sous la conduite d’un chef que les Romains ont appelé Brennus, confondant la dignité du mot brenn (roi) avec le nom propre de ce chef.

Le siége de Clusium paraît être le premier que les Gaulois aient entrepris. Ils avaient déjà détruit quelques villes ; mais ils étaient trop ignorant pour enlever une place un peu forte. Leur dessein, au reste, n’était pas d’emporter celle-ci ; ils voulaient seulement en contraindre les habitans à leur céder des terres incultes qu’ils avaient inutilement demandées. Les Clusins, trop faibles pour admettre parmi eux de tels hôtes, demandèrent du secours aux Romains.

Rome alors ne pouvait se comparer ni aux villes de la Grèce, ni surtout à Carthage qui, bien plus ancienne et maîtresse de la Méditerranée, remplissait de ses colonies la Sicile, l’Espagne, et quelques autres parties du continent ; mais Rome était déjà la ville prépondérante en Italie.

Elle avait soumis des peuples dans son voisinage, comptait aussi plusieurs colonies, et venait de prendre la ville de Veïes après un siége de dix ans. Elle avait fait plus ; ses ambassadeurs parcouraient la Grèce pour y étudier les principes politiques du gouvernement de tant de républiques célèbres, et préparer les bases de cette loi des douze tables, que nous admirons encore aujourd’hui.

Ainsi, le génie romain, conquérant et législatif, commençait à développer ses forces. Ce qui caractérise sa marche, c’est qu’au lieu de secourir de suite les habitans de Clusium, Rome envoya

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