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de son intérêt de ne point différer l’attaque, afin de soutenir l’entreprise de ses partisans, ou de faire en leur faveur une diversion puissante.

L’armée de Marcellus était composée du cadre de quatre légions de Cannes, de deux légions de marine, et d’environ dix-huit cents chevaux. Il retint avec lui derrière la porte par laquelle devait se diriger Annibal, les légions de Cannes et six cents chevaux de cavalerie romaine ; les deux légions de marine, l’infanterie légère, et douze cents chevaux de cavalerie alliée, furent placés derrière les portes les plus voisines, à droite et à gauche, sous les ordres de Valerius et d’Aurelius. Toutes ces troupes devaient sortir à un signal convenu.

Annibal se mit en marche avec vingt-quatre mille hommes d’infanterie et cinq mille hommes de cavalerie. L’armée carthaginoise était arrivée à peu de distance de la ville, la tête de la colonne un peu en désordre, à cause de l’embarras des machines de guerre, Marcellus fit ouvrir les portes.

Malgré l’étonnement que produisit l’attaque vigoureuse et imprévue des Romains, Annibal était trop habile, et ses vétérans se montraient trop bien exercés pour ne pas chercher à se mettre en bataille. Déjà une partie de l’armée commençait à étendre sa ligne, lorsque Valerius et Aurelius parurent sur les flancs. Les Carthaginois furent enfoncés, et leur déroute devint complète.

Marcellus est le premier romain qui sut prendre Annibal par ses propres ruses. Il soutint contre le général carthaginois plusieurs batailles dans lesquelles il eut souvent l’avantage ; et, s’il éprouvait quelque échec, il le réparait aussitôt. « Cet homme, disait Annibal, ne peut supporter ni la bonne, ni la mauvaise fortune ; vaincu, il présente de nouveau le combat ; et vainqueur, il poursuit un succès avec acharnement. »

Envoyé en Sicile, après la mort du roi Hiéron, pour empêcher l’alliance que son petit-fils voulait contracter avec les Carthaginois, Marcellus ne fut pas long-temps à comprendre que l’empire de la Sicile était réservé à la puissance qui se rendrait maîtresse de Syracuse ; et, quelques difficultés que pût offrir le siége d’une ville aussi forte, il l’investit et parvint à la serrer avec vigueur.

Ce fut à ce siége que l’on vit le combat mémorable d’un géomètre, qui ne se défendait que par le secours de la science ; et d’un militaire employant contre lui tout ce que la valeur, secondée par la connaissance de la guerre, peuvent offrir de plus énergique. La ville fut surprise pendant la célébration d’une fête. Cet exploit fit le plus grand honneur à Marcellus.

On ne conçoit pas que ce romain, doué de grands talens militaires, et qui passait pour unir la prudence au courage, se soit laissé attirer dans une embuscade grossière où il périt honteusement sans être reconnu.

Marcellus se défendit en soldat ; et Annibal le louant sous ce rapport, le blâma comme général. Il lui fit des obsèques magnifiques ; ses cendres furent envoyées à son fils dans une urne d’or. Cette conduite généreuse se retrouve souvent chez Annibal, et contraste singulièrement avec la réputation de cruauté dont les historiens latins n’ont pas craint de souiller la mémoire de ce grand homme. Marcellus avait mérité d’être surnommé l’épée de Rome ; comme on disait de Fabius qu’il en était le bouclier.

Capoue, seconde ville de l’Italie pour la grandeur et l’opulence, ayant trahi Rome, Annibal y établit ses quartiers