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noise avec la même ardeur qu’Asdrubal en apportait à rencontrer l’armée romaine. Les deux généraux se joignirent bientôt à Bæcula, sur le territoire de Castuton.

Asdrubal établit son camp dans un lieu avantageux. Il était à la gauche du Guadalquivir, ayant cette rivière à dos, et devant lui se trouvait une plaine entourée de collines sur lesquelles il plaça des postes. Scipion arriva en vue de son camp, et s’aperçut qu’Asdrubal, tranquille sur sa position, ne faisait aucun mouvement à son approche.

La conduite du Carthaginois jeta Scipion dans un grand embarras. Il n’avait pas douté qu’Asdrubal ne fût le premier à lui présenter la bataille ; et, s’il y avait du danger à l’attaquer actuellement, Publius n’en voyait pas moins à rester dans l’inaction ; car l’ennemi allait être joint par Magon et par Asdrubal, fils de Giscon, et les Romains pouvaient se trouver pris entre trois armées. Dans cette extrémité, Scipion résolut de donner quelque chose au sort de la guerre et à la valeur de ses troupes ; il tenta de forcer le camp.

Après avoir encouragé son armée, il envoya quelques vélites insulter les postes de l’ennemi. Le but de cette première attaque était d’attirer son attention de ce côté ; Lælius, pendant ce temps, avait ordre de tourner les collines avec un corps considérable.

Le général carthaginois demeura quelque temps spectateur tranquille du combat qui se donnait entre les armés à la légère et ses postes avancés ; mais voyant que Scipion les suivait et venait à lui, il voulut aussi se mettre en bataille. Scipion, qui avait prévu son étonnement, le chargea si brusquement de front et de flanc, tandis que Lælius le prenait en queue, que cette manœuvre produisit moins un combat qu’une déroute.

Asdrubal se retira sur les bords du Tage qu’il passa avec ce qui put le suivre. Il s’était habilement ménagé cette retraite, prenant la précaution, avant la bataille, d’envoyer au-delà du fleuve ses éléphans, le trésor de l’armée, et ses objets les plus précieux.

Les collègues d’Asdrubal ayant eu avis de cette défaite, il fut décidé entre eux que ce général compléterait son armée par des recrues espagnoles, et entrerait de suite en Italie où Annibal se soutenait par la seule force de son génie ; que Magon remettrait ses troupes à l’autre Asdrubal, et se rendrait dans les îles Baléares pour y acheter des auxiliaires ; que cet Asdrubal, fils de Giscon, passerait en Lusitanie avec son armée, évitant soigneusement toute bataille contre Scipion ; enfin que Massinissa, avec trois mille chevaux d’élite, resterait dans l’Espagne Citérieure, pour y observer et inquiéter les Romains. Toutes ces mesures furent exécutées sans délai.

Une puissante armée se réunit, et Asdrubal traversa les Alpes douze années après son frère ; mais il ne rencontra plus les obstacles qui rendirent si pénibles l’entreprise d’Annibal. Les Allobroges et les Centrones avaient beaucoup souffert dans leurs diverses tentatives, et plutôt que de s’exposer à de nouvelles défaites, ils préférèrent grossir l’armée qui envahissait l’Italie, trouvant là l’occasion de satisfaire leur humeur guerrière, et leur goût pour le pillage.

Les travaux d’Annibal pour faciliter le passage de ses troupes ; le chemin surtout qu’il construisit, afin de réparer l’éboulement qui arrêta tout-à-coup sa tête de colonne à la descente des montagnes, ne contribuèrent pas peu à