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coup les grands intérêts qui devaient le rapprocher si promptement de son frère, pour s’arrêter au siége d’une ville. Le temps qu’il perdit devant Plaisance, est une des causes les plus efficaces du salut de la république.

Quand, plus tard, Asdrubal s’avança vers le midi de l’Italie, Rome se trouvait en mesure de le combattre ; enfin, un heureux hasard ayant fait tomber entre les mains des consuls les dépêches qu’il adressait à son frère, pour lui faire connaître sa marche, Claudius Néro, l’un d’eux, conçut un dessein vraiment inspiré par le génie militaire, et ruina sans retour les affaires des Carthaginois.

Claudius instruisit le sénat de ce projet ; et comme Asdrubal invitait son frère à venir le joindre dans l’Ombrie, Claudius conseilla aux sénateurs d’appeler à Rome la légion de Capoue, et de diriger sur Narni les deux légions urbaines. De son côté, le consul envoya des courriers chez tous les peuples qu’il se proposait de traverser, afin qu’on préparât des vivres, des chariots, des chevaux, et tous les moyens nécessaires pour faciliter le transport de ses troupes.

Ces dispositions étant prises, Claudius Néron choisit un corps d’élite de six mille hommes de pied et de mille chevaux, et leur donna l’ordre de se tenir prêts pour une expédition en Lucanie. Annibal épiait l’armée romaine près de Canosa ; Claudius partit pendant la nuit, et laissa la garde du camp sous les ordres de Q. Catius.

Lorsque le consul se vit assez éloigné de l’ennemi pour ne pas craindre de divulguer son dessein, il fit assembler ses soldats, et leur expliqua qu’ils allaient rejoindre son collègue Livius Salinator, afin d’arrêter Asdrubal et de le combattre. Les soldats de Claudius furent reçus sur toute leur route comme des sauveurs de la patrie ; leurs rangs se grossirent de deux ou trois mille volontaires vétérans.

Livius Salinator avait placé son camp vers l’embouchure du Métaure, non loin de Fano, à quatre-vingt-dix lieues environ de Canosa. Le préteur Porcius, après avoir harcelé l’ennemi autant que possible, était venu joindre le consul, pour s’établir à peu de distance de lui ; enfin Asdrubal campait près d’eux. Livius et Porcius, ne comptant que trente-quatre mille légionnaires, n’osaient attaquer les Carthaginois.

Claudius Néron ayant fait prévenir de son arrivée, s’arrêta jusqu’à la nuit derrière les côteaux environnans, et vint alors sans bruit rejoindre son collègue. Ses soldats furent répartis, par armes et par grades, dans les tentes de l’armée de Livius ; car on ne jugea pas nécessaire d’éveiller l’attention de l’ennemi en augmentant l’enceinte du camp.

Le lendemain, le conseil s’était assemblé, et le plus grand nombre inclinait à laisser reposer les troupes arrivées la veille, ce qui permettait aussi de prendre une connaissance plus exacte des dispositions de l’ennemi ; Claudius représenta les inconvéniens de ce retard.

La vélocité faisait en effet toute la sûreté de cette entreprise, et les momens devenaient précieux, puisque Annibal pouvait découvrir le départ des troupes, et se montrer encore assez à temps pour effectuer sa redoutable jonction. Chacun étant revenu à l’avis de Claudius, les Romains se mirent en bataille. Asdrubal avait déjà rangé son armée ; une circonstance suspendit le combat.

Ce général faisait une reconnaissance lorsqu’il aperçut un certain nombre de soldats légionnaires dont les boucliers