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tation de ses armes, s’il cherchait à l’éviter.

Le lendemain et le jour suivant, il y eut, entre la cavalerie et les troupes légères, plusieurs escarmouches qui, de part et d’autre, n’avaient pour but que de préparer le soldat à une action générale. Les deux généraux rangèrent leur armée en bataille devant les retranchemens, et les tinrent jusqu’au soir sous les armes, n’osant s’éloigner de leur poste, et chacun paraissant attendre que son adversaire s’avançât le premier.

Suivant la coutume des Carthaginois, l’armée d’Asdrubal était disposée sur une seule ligne dont les Africains formaient le centre. De son côté, Scipion eut grand soin d’indiquer bien distinctement son ordre de bataille pendant ces deux jours, plaçant ses légions au centre, et ses Espagnols sur les ailes. Les soldats des deux armées étaient ainsi prévenus que les Romains et les Africains allaient se mesurer ensemble.

Scipion avait de fortes raisons pour ne pas se fier aux Espagnols ; il eût donc commis une grande faute en les opposant à leurs compatriotes. Tel n’était pas non plus son dessein. Il voulait seulement accoutumer les généraux Carthaginois à voir les légions romaines occuper le centre ; et c’est pour cette raison qu’il les montra ainsi plusieurs fois. Il se ménageait d’autres dispositions plus habiles.

Regardant ses mesures comme suffisamment concertées, Scipion fit armer et repaître ses soldats avant le jour, et envoya de très bonne heure sa cavalerie et son infanterie légère insulter le camp ennemi (ans 549 de Rome ; 205 avant notre ère). Peu après il parut avec le reste de ses troupes, et marcha jusqu’au milieu de la plaine, sans former encore sa ligne de bataille, afin que l’ennemi, campé sur une hauteur, ne pût pénétrer ses desseins.

Asdrubal avait déjà fait sortir sa cavalerie et ses troupes légères ; car c’était une honte chez les anciens de laisser l’ennemi s’approcher du camp et l’insulter ; mais quand il vit briller les enseignes des légions, il se hâta de venir en personne avec l’infanterie pesante qu’il rangea selon l’ordre accoutumé. Lorsque Scipion eut rappelé sa cavalerie, Asdrubal plaça la sienne aux ailes, la cavalerie espagnole contre l’infanterie, et les Numides en dehors. Les troupes légères se tinrent derrière le front[1].

De son côté, Scipion, qui approchait de l’ennemi, rangea enfin son armée dans l’ordre où il voulait combattre. Il mit les Espagnols au centre, et plaça les légions romaines et alliées moitié à chaque aile, par manipules sur trois lignes en échiquier, afin d’avoir des intervalles pour le passage de sa cavalerie et de ses vélites.

Le combat des troupes légères, qui se soutenait avec une sorte d’avantage du côté des Romains, permit à Scipion de faire ses dispositions en bon ordre. Elles étaient terminées lorsque l’arrivée de plusieurs corps de l’infanterie d’Asdrubal les obligea de plier. Mais tout-à-coup, le signal de la retraite s’étant fait entendre, les cavaliers et les vélites disparurent à travers les intervalles des manipules.

Scipion fit avancer les princes qui vinrent s’enchâsser avec les hastaires, et les triaires s’aboutèrent à cette ligne pleine pour en former les derniers rangs, à peu près comme nous l’avons indiqué dans la composition de la cohorte de Polybe. Ces cohortes eurent alors trente-deux files et douze rangs.

  1. Voyez l’Atlas.