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et dans le cas où ces animaux s’attacheraient aux assaillans, les vélites avaient ordre de les attirer dans les intervalles, jusque derrière l’armée. La cavalerie romaine fut placée à l’aile droite sous les ordres de Lælius ; Massinissa commandait les Numides sur la gauche.

Il n’y eut d’extraordinaire dans cette première disposition de l’armée romaine, que le déplacement des manipules. Scipion attendait que la circonstance lui indiquât ce qu’il devait faire. L’ordonnance mobile de la légion présentait cet avantage à un général qui savait en profiter, et prendre son parti sur-le-champ.

Annibal mit aussi son infanterie sur trois lignes, et devant elles ses quatre-vingts éléphans. Sa première ligne fut composée de ses troupes étrangères : Gaulois, Ligures, Baléares, Maures, que la république avait pris à sa solde. Il plaça dans la seconde les Carthaginois de nouvelle levée ; et à un stade, ou cent vingt-cinq pas géométriques, en arrière de cette ligne, il rangea l’élite de son armée, ces vieilles bandes qu’il amenait d’Italie. La cavalerie carthaginoise occupa l’aile droite, opposée aux cavaliers romains ; les Numides, à l’aile gauche, avaient devant eux Massinissa.

Dans toutes les batailles qu’il livra en Italie, Annibal mit son armée sur une seule ligne. Mais ici, ce général devait peu compter sur les Carthaginois de nouvelle levée ; il pouvait même craindre qu’ils ne portassent le désordre dans le reste de ses troupes. Il fallait donc choisir un poste qui leur permît de lui rendre quelque service sans compromettre ses autres dispositions.

Parmi les étrangers placés dans sa première ligne, se trouvaient d’excellens tireurs. On leur donna l’ordre de suivre les éléphans, afin d’augmenter le désordre ; et, dans le cas où ces animaux seraient écartés par les vélites, de charger les hastaires, étant soutenus par les Carthaginois de la seconde ligne. Annibal se proposait alors de faire avancer sa réserve ; car il comptait principalement sur elle.

Ces vieilles troupes devaient élargir les intervalles en s’approchant, y recevoir l’infanterie des deux premières lignes, et combattre les Romains déjà fatigués par l’autre attaque. Annibal destinait les étrangers et les Carthaginois ralliés derrière l’armée, à tourner l’ennemi, et à l’inquiéter sur ses flancs.

Supposant que les hastaires seuls repoussassent les éléphans, les étrangers et les Carthaginois ; ce premier combat affaiblissait assez leurs rangs pour qu’une réserve fraîche et en bon ordre pût profiter d’un pareil avantage. Annibal, on le voit, mettait les choses au pis, tenant ses étrangers et ses Carthaginois pour battus, et plaçait ses vieilles troupes très loin, afin que les fuyards ne tombassent pas sur elles.

Toutes ces dispositions si bien raisonnées furent rendues inutiles par les éléphans. Les cris, le son des trompettes et le cliquetis des armes, redoublés à dessein dans l’armée romaine, épouvantèrent d’abord la partie de ces animaux placée à la droite des Carthaginois. Au lieu d’avancer, ils tournèrent le dos, et se jetèrent en fureur au milieu des Numides qui, de ce côté, flanquaient leur ligne.

Massinissa saisit le moment, les charge, les empêche de regagner leur terrain, et après un combat très court, les emporte beaucoup au-delà du champ de bataille. Le reste des éléphans fut harcelé par les vélites qui parvinrent à les entraîner à travers les intervalles, ou à