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nonce de la légion, la préserva seule d’une entière défaite.

Comme les manipules agissaient indépendamment l’un de l’autre, le choc de la phalange ne produisit pas le même effet que s’il eut porté sur une ligne pleine. Ces petits corps de cent trente hommes se remettaient facilement de leur désordre, revenaient quelquefois de front, et tâchaient de gagner les flancs. Aussi, quoique Philippe contraignit les Romains à perdre un terrain considérable, il trouva constamment l’ennemi devant soi, et n’osa risquer de poursuivre son avantage en détachant quelques sections de la phalange pour entamer la droite de Q. Flaminius.

Cette droite restait encore en état de décider la victoire ; elle se mit en mouvement et gagna les hauteurs où les sections de Nicanor, qui n’avaient pu d’abord se réunir sur la pelouse, s’efforçaient de se joindre et de se former. Celles qui s’étaient placées séparément en bataille furent renversées par les éléphans ; les autres sections se trouvaient en pleine marche sur le sommet, ou grimpaient encore, et se virent accablés avant d’avoir pu se reconnaître.

Cette chance inespérée pour les Romains ne dégageait pas encore Q. Flaminius, que le roi pressait avec autant de bonheur que de sagesse, lorsqu’un tribun prenant conseil de lui seul, et se croyant appelé à décider le sort de la bataille, laissa ses collègues s’acharner contre les malheureuses sections de Nicanor, et parut avec vingt manipules sur les derrières de la phalange.

Cette inspiration soudaine changea la face du combat : les Romains reprirent courage ; et les officiers de la phalange, frappés par cette attaque imprévue, ne surent pas tirer parti de l’ordre à deux fronts que l’extrême profondeur du corps leur permettait. Le soldat, toujours effrayé quand il se croit coupé, ne pensa d’abord qu’à la fuite. La réflexion faisant comprendre ensuite qu’il n’était pas possible d échapper de cette manière, ces braves gens, qui avaient perdu la tête et le cœur, élevèrent leurs piques pour indiquer qu’ils voulaient se rendre. Mais les Romains ignoraient ou feignirent de ne pas connaître cet usage des Grecs ; et Q. Flaminius eut beaucoup de peine à faire cesser le massacre. (ans 557 de Rome ; 497 avant notre ère.)

Huit mille Macédoniens périrent, et cinq mille restèrent prisonniers. Les Romains ne comptèrent que sept cents des leurs parmi les morts. Le roi s’étant tiré de la mêlée, rallia le reste de ses troupes, et tint encore quelque temps la campagne, jusqu’à ce qu’enfin les Romains lui accordèrent la paix.

Les grandes actions de Philippe lui avaient mérité la réputation d’un des meilleurs capitaines de son temps. Mais s’il joua de malheur pendant le cours de cette guerre, on doit convenir aussi qu’il manqua plusieurs fois de conduite. Il en fallait davantage pour tenir tête aux Romains que pour vaincre les Thraces et les Grecs de son voisinage. Ce prince déchut beaucoup de sa réputation militaire dans cette journée fameuse, dont le résultat fut de rendre les Romains maîtres des détroits de l’Épire.

Certainement la fortune contraria beaucoup Philippe à la bataille des Cynocéphales. Le brouillard qui lui dérobait l’ennemi, l’engagea plus tôt qu’il n’eût voulu, et qu’il ne s’y attendait ; la désobéissance de ses troupes le fixa sur un terrain défavorable. Mais on ne peut expliquer sa lenteur à prendre son parti, lorsqu’il fut assuré du succès audacieux de ses escarmoucheurs.

On ne reconnaît pas non plus le coup-

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