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de recommencer la guerre. La république ne voulant pas lui permettre de les embarquer, il retourna seul en Afrique, rejoignit ses légions, et se tint sur la défensive en attendant un successeur.

La honte de ce désastre ; la frayeur inspirée par un nouvel ennemi qui venait de traverser l’Espagne et les Gaules, et semblait tourner ses pas vers l’Italie, calmèrent un temps l’animosité des factions. Q. Cæcilius Metellus, nommé consul de l’armée de Numidie, partit avec un renfort considérable, et alla chercher l’ennemi.

Pendant sa route, Métellus reçut plusieurs messages de Jugurtha, qui demandait la paix ; et, lorsque l’armée romaine entra sur le territoire de Numidie, elle y fut accueillie par les habitans d’une manière amicale. Le peuple était tranquille, les villes ouvraient leurs portes, on trouvait des approvisionnens en abondance dans les marchés.

Métellus se défiait de ces apparences. Il se tint sur ses gardes, bien convaincu que le roi tramait quelque perfidie ; et Jugurtha en effet comptait beaucoup sur cette nouvelle ruse pour affaiblir la vigilance des légions, les pousser dans quelque faute, et les tailler en pièces.

Il est informé que le consul se dispose à traverser la rivière du Muthul. Aussitôt il parvient à lui dérober plusieurs marches, et se met en embuscade sur son passage. Les Romains avaient une haute montagne à franchir ; ensuite, pour arriver au fleuve, régnait une plaine de six lieues, bordée d’un côté par des collines, couvertes de myrthes et d’oliviers. Ces collines n’offraient aucun chemin praticable, il fallait donc passer par la plaine.

Ayant divisé son armée en deux parties, Jugurtha se saisit de la plus considérable des collines qui avoisinaient la grande montagne, se cacha autant que possible entre les bosquets et les vallées, et fit occuper à ses troupes une grande étendue de terrain. Bomilcar, un des généraux en qui le roi avait le plus de confiance, alla s’embusquer plus près de la rivière avec le reste des troupes.

Jugurtha voulait attendre que l’ennemi fût descendu de la montagne, et la faire occuper ensuite, pendant que Bomilcar, qui avait ordre de s’emparer des bords de la rivière, allait barrer le chemin de ce côté. Lui-même épiait le moment favorable pour fondre sur les légions en marche. C’était une autre journée du Trasymène qu’il se flattait de préparer aux Romains.

Métellus ignora ce qui se passait. Toutefois il se défiait de son ennemi, et pour ne pas tomber dans ses ruses, il fit ses dispositions comme un général habile qui sait se préparer à tout événement.

Son ordre de marche fut exactement celui que nous avons décrit d’après Polybe, lorsque l’armée formait trois colonnes de manipules. Ces corps s’étaient augmentés à proportion du nombre d’hommes dont on avait grossi les légions.

Les extraordinaires s’avançaient à l’avant-garde avec des archers et des frondeurs levés pour cette guerre, et Metellus s’y porta en personne. Marius commandait l’arrière-garde avec la cavalerie romaine. Celle des alliés était répartie sur les deux flancs. Les troupes légères se tenaient en dehors des deux colonnes extérieures, à côté des intervalles que les manipules gardaient entre eux, et ils marchaient ici par leur front. Metellus conduisit son armée dans cet ordre jusque vers la grande montagne qui se présentait, suivant Salluste, entièrement stérile et découverte.

À peine en eut-il atteint le sommet,