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qu’un examen attentif des lieux lui fit apercevoir des cavaliers de Jugurtha cachés entre les broussailles qui couvraient les collines, et il jugea d’abord par l’assiette des lieux du piége que l’ennemi avait tendu.

Metellus ne songea point à rebrousser chemin, car il se reposait entièrement sur la bonté de ses dispositions et la bravoure de ses troupes ; cependant, comme il devenait assez manifeste qu’en poursuivant sa marche dans la plaine, son flanc droit, exposé aux collines, essuierait les plus grands efforts, Métellus ordonna de faire une halte, et commanda les mouvemens nécessaires pour tourner le front vers le point où le danger allait devenir plus éminent.

C’était un quart de conversion moyennant lequel les rangs de chaque manipule faisaient face du côté où leur flanc se trouvait auparavant[1]. Cette évolution exécutée par tous les manipules dans les trois colonnes, l’armée se forme en bataille sur trois lignes, ayant le front tourné vers le flanc menacé, qui était ici le flanc droit. Après cette manœuvre la cavalerie de l’avant et de l’arrière-garde occupa les ailes, et les troupes légères furent réparties dans les intervalles entre les manipules.

Salluste ne fait pas mention des bagages ; mais on sait, par Polybe, qu’ils se plaçaient dans les colonnes mêmes. La longue marche que Métellus entreprit sur le pays ennemi, et ses campemens, font assez voir que l’armée n’en était pas dépourvue. Après que les manipules s’en furent débarrassés, on les rassembla dans un endroit sûr, suivant la coutume. Peut-être les fît-on porter avec le détachement que Rutilius conduisit avant la bataille aux bords du fleuve Muthul.

Ayant achevé sa nouvelle disposition, Metellus adressa quelques paroles à ses soldats, et descendit dans la plaine. Les auteurs latins nomment ordinairement principia, le front des lignes d’une armée rangée en bataille, ainsi que les soldats qui s’y trouvent placés ; or comme après le changement de Métellus, les trois lignes, au lieu de marcher de front, s’avançaient par leur flanc, on conçoit aisément pourquoi Salluste dit que l’armée se porta en avant transversis principiis, « le front en travers. »

Si l’on voit dans la suite que Métellus se trouva sur la gauche de l’armée, avec les troupes qui avaient formé l’avant-garde, on en saisit la raison dans ce changement de front ; on reconnaît aussi la place de Marius indiquée par les mots post principia (après le front), qui ne peuvent désigner que la droite de l’armée, et non pas la seconde ligne composée des princes, comme on le suppose.

Metellus s’avança donc dans la plaine à pas lents, faisant bonne contenance, et surpris que l’ennemi retardât si longtemps l’attaque. La réflexion lui fit craindre ensuite que s’il ralentissait trop sa marche, il ne pût gagner le même jour la rivière ; il prit le parti de détacher d’avance son lieutenant Rutilius avec un corps de cavalerie, et plusieurs manipules, lui ordonnant de s’emparer des bords du fleuve, et d’y préparer le campement.

Jugurtha suivait des yeux l’armée romaine ; mais il ne voulait paraître qu’après avoir préparé toutes ses pièces, et fit occuper, par deux mille hommes, la montagne que Metellus venait de quitter. Aussitôt, donnant un signal convenu, ses troupes fondirent si rapidement sur les légions et engagèrent un combat tellement furieux et opiniâtre, que Metellus eut difficilement gagné la rivière sans la bonté de ses dispositions.

  1. Voyez l’Atlas.