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que son exécution corrompit les mœurs.

Les Boïes et le peu de Sénons qui avaient échappé au massacre général qu’en avait fait Dolabella, voyant partager ces terres entre quelques agriculteurs, s’imaginèrent que les Romains ne combattaient pas pour dominer sur eux, mais pour les exterminer. Ils se liguèrent avec les Insubres, la plus considérable des nations gauloises qui habitaient aux environs de l’Éridan, et appelèrent à leur secours des transalpins Gésates, nom qui, du temps de Polybe, ne signifiait plus qu’un soldat mercenaire ; mais qui prenait son origine du gais, épieu durci au feu, l’arme la plus ancienne des Gaulois.

Les Cisalpins, qui s’étaient rapprochés davantage du système militaire des peuples de l’Italie, désignèrent longtemps, par le mot gaisda (armées du gais) les bandes qu’ils tiraient des montagnes, jusqu’à ce que ce mot prît une acception plus générale, et indiquât une troupe soldée au-delà des Alpes, quelque fût d’ailleurs son armure.

Ces Gésates arrivèrent, mais longtemps après le partage du Picénium, et campèrent sur les bords de l’Éridan. Les Boïes et les Insubres les joignirent, et tous ensemble, formèrent une armée de cinquante mille hommes d’infanterie et de vingt mille cavaliers. Les Vénètes et les Cénomans, autres hordes gauloises fixées dans ces mêmes contrées, n’osèrent se liguer avec leurs compatriotes, et prirent les armes en faveur des Romains. Ces Gaulois, qui occupaient le nord de l’Italie, ne formaient donc point un peuple ni une confédération.

Cet événement est très mémorable, non en ce qui regarde les Gaulois, mais par rapport à la politique de Rome dont il va nous faire connaître les principes.

À la nouvelle de cette invasion, le sénat envoie un préteur avec une armée dans l’Étrurie, et le consul Æmilius Pappus, avec une autre armée, au bord de l’Adriatique, vers la ville d’Ariminium (Rimini), afin de fermer le nord de l’Italie aux Barbares, soit qu’ils prissent la route de l’Occident ou celle de l’Orient, à la droite ou à la gauche des monts Apennins, Le second consul Caïus Atilius est rappelé de Sardaigne avec ses troupes. Le sénat se fait aussi apporter les registres de toutes les provinces où étaient inscrits le nom des hommes en âge de porter les armes, et il ordonne aux alliés de la république de se tenir prêts à marcher.

Le préteur, campé sur les frontières de l’Étrurie, commandait une armée de plus de cinquante mille fantassins et de quatre mille chevaux. Cette armée composée d’Étrusques et de Sabins, était un peu moins nombreuse que celle des Gaulois.

Il partit avec les consuls quatre légions, fortes chacune de cinq mille deux cents fantassins et trois cents cavaliers ; il y avait encore avec eux du côté des alliés, trente mille fantassins et deux mille chevaux.

Ce n’est pas tout. Vingt mille Ombres et Sarsinates descendirent des montagnes de l’Apennin, et furent joints à vingt mille Vénètes et Cénomans. On les posta sur la frontière du pays d’où partaient les Gaulois, pour empêcher que de nouvelles émigrations ne vinssent recruter leurs rangs.

Ainsi, Rome opposa cent cinquante mille hommes, divisés en quatre armées, aux soixante et dix mille Gaulois qui la menaçaient. Trois de ces armées défendaient le Nord de l’Italie ; la quatrième était attendue de Sardaigne.

Pour ne rien laisser au hasard, le sénat assembla sous les murs de Rome,