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tosages qui s’étaient révoltés en voyant passer les Cimbres, et avaient pris quelques soldats romains à Toulouse. Cœpion força leur enceinte de bois et de terre, la livra au pillage, et fit un butin considérable. Il y trouva, dit-on, beaucoup d’or.

Diodore de Sicile fait observer que plusieurs rivières de ce pays en charriaient ; et Strabon rapporte qu’il existait des mines d’or dans les montagnes. Les Grecs ne sachant d’où provenait ce métal, imaginèrent une fable qui a beaucoup fait discourir les historiens. Ils disent que les Tectosages ayant pillé le temple de Delphe, Apollon irrité les en punit, et que ne pouvant rapporter l’or sur l’autel, ils le jetèrent au fond d’un lac sacré, situé au milieu de la ville.

Cependant il demeure bien prouvé qu’on ne vit de lac à aucune époque dans Toulouse, ni dans ses environs ; qu’Apollon n’a jamais puni personne ; et que le temple de Delphe ne fût point pillé par les Tectosages. Cette fable prouve seulement que les Romains ne s’attendaient pas à trouver de l’or dans une ville des Gaules.

Strabon cite ce fait d’après un passage de Possidonius qu’il rapporte, et réfute en grande partie. Des savans modernes changent le lac en marais ou en étang, et disent que ces richesses y furent déposées par les Tectosages qui n’en avaient aucun besoin, méprisant le luxe des peuples de la Grèce et de l’Italie.

Il eût été plus raisonnable de supposer que les Tectosages en vendant aux Marseillais, aux Phéniciens et aux Carthaginois, des cuirs, des esclaves, des troupes et des bestiaux, en reçurent de l’or et de l’argent, tirés des mines de la Bétique, au pied des Pyrénées ; qu’ils avaient enfoui ces métaux, soit à l’apparition d’Annibal dans leur pays, soit à l’arrivée des Cimbres, ou enfin en voyant les légions elles-mêmes, ainsi que le font tous les jours les peuples au moment d’une grande invasion. Il ne serait plus surprenant alors que l’avidité romaine eut découvert ces trésors jetés dans des puits ou dans des endroits fangeux et faciles à creuser. Par tous les pays, on retrouve des métaux qui sont restés ensevelis pendant plusieurs siècles.

Le merveilleux étant détruit, il paraît évident que Possidonius et Justin exagérèrent la quantité d’or trouvée à Toulouse ; et que le prêtre Orose, écrivant quatre cents ans plus tard, eut tort de répéter cette fable, et de la rapporter dans son histoire qu’il commence à l’origine du monde, comme s’il connaissait cette époque.

On peut donc douter que les Romains aient trouvé à Toulouse, dans un lac sacré qui n’a jamais existé, cent dix mille livres pesant d’or, et quinze cent mille livres pesant d’argent.

Si j’ai parlé de cette fable, c’est qu’on la répète encore. J’en omets beaucoup d’autres, telles que le mariage d’Hercule dans la Gaule, le prétendu voyage qu’y fit Pythagore, la venue d’un petit-fils de Priam, et plusieurs contes trop méprisables pour qu’un homme raisonnable s’en occupe ; car il ne faut ni perdre son temps, ni le faire perdre à son lecteur.

Après avoir pillé Toulouse, et terminé l’année de son consulat, Cœpion se brouille avec son successeur le consul Manlius, Mallius, ou Manilius (divers auteurs lui donnent ces noms). Au lieu de réunir leurs forces, ces deux romains se séparèrent. Aurelius Scaurus, autrefois consul, et alors simple lieutenant de Mallius, ose attaquer les Cimbres qui l’avaient déjà défait lorsqu’il était à la tête de forces bien plus