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eux eu poussant des cris de victoire. Chargés avec furie par Marius, ils ne peuvent résister à ce double choc, se débandent et prennent la fuite.

Marius était encore sur le champ de bataille, entouré de son armée victorieuse, lorsqu’il reçut des lettres du sénat qui lui mandait que le peuple l’avait élu consul pour la cinquième fois.

Il se montra digne de cette nouvelle faveur. Passant les Alpes avec toute la célérité romaine, il arrive dans la Gaule Cisalpine, joint son armée à celle de son collègue Catulus, et remporte sur les Cimbres, dans la plaine de Verceil, une victoire aussi complète que celle qu’il avait gagnée contre les Teutons. (An 603 de Rome ; 101 av. notre ère.)

On ne sait rien de cette action, sinon qu’elle fut longue, sanglante, et favorable aux Romains. Frontin, dans ses stratagèmes, signale l’attention qu’eut Marius de se donner l’avantage du vent et du soleil ; d’après Plutarque, il semble même que la poussière et la chaleur (on était au mois de juillet) eurent la plus grande part au succès de la bataille.

Il est certain que ces multitudes, dès qu’elles étaient vaincues, s’embarrassaient dans leur fuite, et ne savaient ni se rallier, ni se retirer. Mais on doit penser que la victoire fût préparée par quelque manœuvre habile ; car admettre, comme on le suppose, qu’une armée aussi nombreuse pût être battue au seul moyen d’auxiliaires tels que la poussière et la chaleur, ce serait oublier l’adage si vulgaire, que le soleil luit pour tout le monde.

On tua cent vingt mille ennemis ; soixante mille restèrent prisonniers ; l’Italie fut sauvée. Les deux consuls entrèrent à Rome en triomphe. Le peuple transporté de joie et de reconnaissance, élut Marius consul pour la sixième fois.

Jamais homme, jusqu’à ce jour, n’avait reçu cette dignité cinq fois de suite. Le consul Valerius Corvinus, s’il faut en croire Plutarque, eut cinq consulats dans le cours de sa vie. Marius, par la suite, obtint cet honneur une septième fois, faveur qui n’atteignit aucun autre citoyen pendant la durée de la république.

Mais dans le temps même que Rome était au plus fort de ses triomphes, un génie étonnant, un autre Annibal, pénétré des vrais principes de la politique et de la guerre, contrebalança seul, et fit presque chanceler la gloire de cette fière souveraine du monde.

Ce n’était pas assurément le monarque d’un royaume comparable en puissance à la domination de Rome que Mithridate ; les peuples de Pont n’offraient rien du courage, du caractère et du génie des citoyens qui formaient les légions romaines ; d’ailleurs Mithridate ne trouvant pas dans ses propres états des forces suffisantes pour venir à bout de ses grands projets, était obligé d’avoir recours à des alliances, et rarement alors ses intérêts pouvaient concorder avec ceux des rois auxquels il s’unissait.

Malgré ces désavantages, ce prince intrépide, infatigable, fécond en ressources, opposant à l’infortune un front de rocher, possédant surtout cet attribut du génie d’être comme un ciment qui rapproche et joint entre elles les parties les plus disparates, Mithridate soutint, pendant trente ans, avec divers succès, la guerre contre Rome ; contre cette république puissante, qui, maîtresse alors de l’Italie, de l’Espagne, d’une partie dès Gaules, de la Grèce, des côtes de l’Afrique et de l’Asie, pouvait d’une part écraser son ennemi avec des armées qui se recrutaient sans cesse des meilleurs