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au moment où tout paraît désespéré. Cet Archélaüs, quoique battu depuis par Sylla, manifestait de véritables talens militaires ; il lui manqua de commander des troupes disciplinées comme celles qu’il avait en tête.

Après cette expédition le consul partit de l’Attique et suivit Archélaüs dans la Béotie. Les officiers le blâmaient de quitter un pays montagneux et coupé, pour s’engager dans des plaines avec un ennemi dont les principales forces consistaient en cavalerie ; mais il y était obligé par deux raisons, comme il l’écrivait lui-même dans ses Mémoires que nous avons perdus.

L’Attique, pays naturellement stérile, se trouvait épuisé par le séjour de deux armées, et Sylla, faute de vaisseaux, ne pouvait se procurer des vivres ailleurs ; il pouvait craindre aussi que Hortensius, l’un de ses meilleurs officiers, qui lui amenait un renfort de Thessalie, ne fût coupé en chemin par les Barbares qui l’attendaient au passage des Thermopyles.

Cependant, malgré les renforts de Hortensius, l’armée romaine ne parut aux soldats d’Archélaüs qu’une poignée de monde ; aussi n’était-elle composée, si l’on en croit Plutarque, que de quinze mille hommes de pied, et de quinze cents chevaux. Appien, sans en déterminer le nombre, semble cependant le faire monter plus haut, lorsqu’il dit que les troupes de Sylla, y compris les Grecs qui s’étaient retirés du parti de Mithridate, ne formaient pas encore le tiers des troupes ennemies. Mais peut-être Plutarque écrivant d’après Sylla, ne comprenait-il pas dans ce compte, les alliés de la république.

Quoi qu’il en soit, les Romains étaient certainement fort inférieurs en nombre aux bandes que Taxile avait ramassées pour Mithridate dans la Thrace et dans la Macédoine ; elles comptaient à cent mille hommes de pied, dix mille chevaux, et quatre-vingt-dix-neuf chars armés de faux. Archélaüs, en s’y joignant, dut les augmenter encore.

Ce général n’était pas homme à fonder des succès sur une telle supériorité numérique ; car il établissait une grande différence entre ses troupes et les légions romaines ; il résolut de harceler l’ennemi et de traîner la guerre en longueur. Ce projet se rattachait d’ailleurs aux intérêts particuliers de Sylla dont le retour à Rome devenait de jour en jour plus nécessaire. Mais les autres chefs de l’armée ne purent comprendre la finesse de cette conduite ; ils rangèrent leurs troupes en bataille, malgré les ordres d’Archélaüs.

Ce prodigieux nombre d’hommes, l’éclat et le mélange des armes, les différens cris, et la contenance fière des Barbares, portèrent l’épouvante dans l’armée romaine, dont les murmures annonçaient assez qu’elle ne combattrait point. Les soldats de Pont n’osèrent cependant attaquer les légions retranchées ; ils se répandirent dans les environs et pillèrent la campagne.

Il est impossible qu’une armée nombreuse, lorsqu’il n’y règne aucune discipline, puisse subsister long-temps dans la même position. Archélaüs se vit bientôt obligé de décamper, et Sylla suivit ses traces ; mais la consternation des Romains, et leur refus de combattre, le mettaient au désespoir. Pour les contraindre à demander la bataille il les accabla de travaux.

Sous prétexte de retrancher le camp, il leur fit creuser des fossés immenses ; on détourna même, par ses ordres, le cours de la rivière de Céphise ; enfin tous ceux qui ne montraient pas assez d’activité dans ces corvées, étaient punis avec une grande rigueur.