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vraient leurs rangs et se reformaient de suite en criant, comme aux jeux du cirque : qu’on en lâche un autre !

L’infanterie en vint aux mains. La phalange du centre était composée de quinze mille esclaves auxquels les généraux de Mithridate avaient donné la liberté. Ces esclaves montrèrent ici plus de courage qu’on ne devait en attendre d’eux. Ils soutinrent, sans se rompre, tout l’effort des légions ; mais la compacité même de leur ordonnance les ayant contraint de flotter et de s’ouvrir, ils furent enfin enfoncés.

Pendant que ces choses se passaient au centre, Archelaüs, qui commandait l’aile droite, s’était avancé pour envelopper Murena. Hortensius, embusqué au pied des montagnes avec une partie de la réserve, selon l’ordre de Sylla, sortit tout-à-coup de son poste, et vint fondre sur le flanc des troupes de Pont. Archelaüs fit faire à droite à un corps de cavalerie de deux mille hommes, et poussa Hortensius qui, n’étant pas assez fort pour résister, ne songea plus qu’à retourner vers les montagnes d’où il était parti ; retraite difficile, vu la distance qui les séparait du corps d’armée des Romains.

Déjà les deux mille cavaliers l’environnent et rendent sa position difficile ; Sylla, qui commande aussi son aile droite, le voit et vole à son secours. Archelaüs, jugeant, à la poussière qui s’élève, que c’est le général romain qui vient débarrasser son lieutenant, laisse là Hortensius, donne ordre à Taxile de faire avancer les Chalcaspides vers la gauche des Romains pour y arrêter le consul, et va fondre sur la droite que celui-ci venait de quitter.

Sylla, dont toutes les troupes sont attaquées en même temps, s’arrête tout court, assez incertain de ce qu’il doit faire ; il se détermine à regagner en diligence son premier poste avec une cohorte, et en laisse quatre à Hortensius pour secourir Murena. Archelaüs avait profité de l’absence du géréral romain pour engager le combat ; entre les deux partis, la victoire flottait incertaine ; l’arrivée du consul la décida.

De ce côté, Sylla, maître du champ de bataille, n’eût garde d’oublier la situation critique dans laquelle il avait laissé Murena ; il se porte promptement sur la gauche pour y agir selon les circonstances. Murena avait battu les Chalcaspides, et la droite d’Archelaüs. Alors la bataille étant gagnée sur toute la ligne, et la déroute devenant générale, les Romains se mirent à la poursuite des fuyards. Ils en firent un carnage horrible, et pénétrèrent jusque dans leur camp. (An 668 de Rome ; 86 av. notre ère.)

Archelaüs put se retirer à Chalcis, et de cette armée prodigieuse, il se sauva dix mille hommes. Sylla écrivit que quatorze soldats romains manquèrent seulement à la fin de la journée, parmi lesquels, deux qui s’étaient égarés, revinrent le lendemain. Aussi voulut-il qu’on mit les noms de Mars, de la Victoire et de Vénus, dans le trophée qui fut érigé après la bataille, pour marquer que sa bonne fortune avait fait la moitié du succès.

Memnon rapporte cette affaire bien différemment de Plutarque. Il dit que le général romain attaqua le camp des ennemis pendant qu’ils étaient dispersés pour le pillage, et que l’ayant aisément forcé, il alluma des feux comme à l’ordinaire ; ce qui trompa les Barbares, et les fit presque tous tomber entre ses mains. Ce récit paraît bien plus vraisemblable, et s’accorde mieux avec le peu de monde que Sylla perdit dans cette occasion.

L’événement se réduit ainsi à une sur-