Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 156 —

dans l’Italie, à la tête d’une armée victorieuse.

Pour s’en garantir il assemble le sénat, et fait décerner le généralat des troupes contre Mithridate, au consul L. Valerius Flaccus, son collègue. On lui donne une armée nombreuse avec laquelle il doit ôter de force le commandement à Sylla, si ce chef s’obstine à le garder contre le décret de la république.

Flaccus n’avait aucune des qualités qui forment un homme de guerre. Cinna le savait ; il lui donna pour lieutenant un sénateur qui s’était distingué par sa valeur et son habileté sous Marius, et au parti duquel il avait toujours été fidèlement attaché. Caïus Flavius Fimbria haïssait et méprisait également Flaccus dont il connaissait le peu de mérite ; cependant, il consentit à servir sous lui, dans l’espoir de faire naître une occasion de le supplanter.

Sylla, instruit de ce qui se passait à Rome, n’entendait nullement plier sous le décret de Cinna ; il s’avançait pour recevoir le consul Flaccus et le combattre, lorsqu’il apprit qu’une nouvelle armée de Mithridate paraissait dans la Béotie qu’il venait de quitter. Elle se composait de quatre vingt-mille hommes commandés par Dorylaüs, neveu du célèbre tacticien, et ces troupes s’étaient jointes aux dix mille hommes qu’Archelaüs avait sauvés de sa défaite.

Sylla revint sur ses pas pour l’arrêter ; car il allait se trouver pris d’un côté par les ennemis des Romains, et de l’autre par les Romains même, qui, sous les ordres d’un consul chargé de lui ôter les élémens de sa puissance, devenaient à ses yeux des ennemis non moins dangereux.

Les deux armées étaient pour ainsi dire en présence, et si proches l’une de l’autre, qu’elles ne pouvaient se dérober une marche. Les généraux de Mithridate qui, sur les représentations d’Archelaüs, s’accordaient enfin à éviter la bataille, vinrent camper dans la plaine d’Orchomènes, la plus vaste et la plus unie de toute la Grèce, et qui s’étendait jusqu’à un marais formé par les eaux du fleuve Mélas[1].

Avec une cavalerie nombreuse ils espéraient devenir maîtres des opérations, et ne pouvaient supposer que Sylla, dont la principale force consistait en infanterie, les suivit dans une plaine où il ne se trouvait pas un arbre, ni un accident de terrain. Pour assurer davantage leur position, Archélaüs et Dorylaüs se mirent dans l’anse que traçait le Mélas en se jetant dans le marais ; c’est à dire leur droite appuyée au fleuve, et le marais derrière eux. De cette manière ils se crurent en sûreté. Leur gauche, à la vérité, était en l’air, mais l’ennemi ne pouvait y arriver qu’en passant, pour ainsi dire, à leur vue, et ils avaient toute la plaine devant eux, où leur cavalerie pouvait se déployer.

Cependant le consul les ayant suivi sur ce terrain, Archélaüs, qui considérait tout l’avantage de sa position, fut tenté un instant de livrer bataille. Il resta tranquille cependant, et c’est alors que Sylla qui n’avait que quinze mille hommes, et ne pouvait former un front égal à celui de son ennemi, s’occupa de faire tirer deux retranchemens, l’un sur la droite et l’autre sur la gauche, tant pour appuyer ses flancs, et resserrer l’espace par lequel les généraux de Pont pouvaient venir l’attaquer, que pour les empêcher de s’étendre autant qu’ils auraient pu le faire dans la plaine. Le retranchement de la gauche jusqu’au fleuve, devenait le plus intéressant, Sylla voulut le presser davantage.

Archélaüs, encore retenu par ses

  1. Voyez l’Atlas.