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ne point engager d’affaire générale, et les défauts de sa position (ce que l’on doit toujours regarder comme une suite de cette crainte), furent les causes de sa défaite.

Si Archelaüs, au lieu d’appuyer sa droite au fleuve, et de mettre le marais derrière lui, eût au contraire placé sa droite contre le marais ; couvrant sa gauche d’un simple retranchement, et gardant ses derrières libres, jamais Sylla n’aurait osé l’attaquer dans cette position, ni venir se poster entre lui et le fleuve Mélas. Quel parti prenait alors le général romain, lui qui se trouvait dans la nécessité de livrer bataille ?

Archelaüs craignit d’être tourné, comme il le fut à Chéronée ; mais avec soixante-quinze mille hommes de plus que son ennemi, il avait bien des moyens de garantir ses derrières. Ce général pécha dans cette occasion contre les deux grands principes de la science, qui veulent que l’on se ménage toujours les moyens d’éviter une bataille, et prescrivent, dans le cas où elle se livre, de se conserver une retraite facile.

Cependant si Archelaüs, instruit que Sylla s’avançait en plaine, avait marché droit à lui, non pas avec un faible détachement, pour engager une escarmouche, mais en ordre de bataille, fort de toutes ses troupes ; le général romain était probablement battu.

S’il n’existe point d’opérations à la guerre qui ne demandent à être combinées avec soin ; on doit pourtant éviter l’irrésolution continuelle comme la plus grande faute que l’on puisse commettre. Lorsqu’un parti se trouve une fois déterminé, il faut le suivre avec obstination, écartant l’idée de tout ce qui peut l’empêcher de réussir.

Archelaüs, séduit par l’avantage du terrain, devait donc se résoudre à livrer bataille, et attaquer l’ennemi vivement sans lui donner le temps de se reconnaître ; mais, la partie perdue, il fallait s’éloigner le soir même, laisser quelques troupes dans le camp pour masquer son mouvement, et aller prendre une autre position dans la plaine, ou même quitter la Béotie. Cette seconde affaire ne pouvait qu’achever de convaincre ses troupes de la supériorité des Romains, comme elle le manifestait aux Romains eux-mêmes. Avec une armée mal disciplinée, telle qu’était celle de Pont, on ne doit jamais s’entêter sur une même opération ; celle-là manquée, il faut songer à une autre.

La conduite d’Archelaüs, si différente de celle qu’il avait tenue précédemment, fait juger que Dorylaüs influa plus que lui sur les dispositions de cette journée ; peut-être la fortune du général romain leur imposa-t-elle aussi, en donnant de Sylla une idée excessivement avantageuse ; car le trop ou le trop peu de défiance sur les talens d’un adversaire, sont également dangereux.

Avec des proscriptions à Rome contre ses amis et sa famille ; en face d’un consul qui venait lui ôter le commandement et achevait ainsi d’abattre son parti dans la république, le général romain n’avait rien de mieux à faire que de risquer le tout pour le tout. Sylla devait mourir en Béotie, ou bien paraître en triomphe dans Rome.

Mais s’il prit la résolution de marcher contre Archelaüs avec tous les désavantages du terrain et du nombre, il ne perdit pas de vue les précautions qui pouvaient le faire réussir. Son premier dessein était certainement de garantir sa droite et sa gauche, et de resserrer, comme dit Plutarque, l’espace par lequel on pouvait l’attaquer.

L’action de jeter l’enseigne au milieu des ennemis, montre du courage ; l’ha-