Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/168

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côte de Delium, avait été choisi pour la conférence des deux généraux.

— « Sylla, lui dit Archelaüs, tes plus grands ennemis ne sont pas en Grèce et dans l’Asie, ils sont à Rome où tes amis t’attendent, et où t’appelle ton intérêt. Le roi, mon maître, t’offre des troupes, des vaisseaux et de l’argent, si tu veux devenir son allié. — Et moi, je te conseille de quitter le service de Mithridate, lui répond Sylla, sans s’émouvoir. En effet, continue-t-il, ne vois-tu pas de la folie à rester esclave, lorsqu’on peut être roi ? Livre-moi la flotte de ton maître, et je te promets la couronne. »

Archelaüs témoignant combien la seule idée d’une pareille perfidie le révoltait. — « Comment as-tu pu croire, reprit vivement son adversaire, lorsque toi l’esclave, ou, si tu veux, l’ami d’un Barbare, tu montres tant d’horreur pour la trahison, que Sylla, citoyen de Rome et général de ses armées, pût souffrir qu’on lui fît une proposition semblable ! T’ai-je donc paru si lâche à Cheronée, à Orchomènes ? »

Consterné de cette réponse, Archelaüs conjura le général romain d’être favorable à Mithridate ; et Sylla y consentit à des conditions très avantageuses pour la république. Le traité fut projeté entre les deux généraux ; celui de Pont l’envoya au roi pour le faire ratifier, et resta près de Sylla en attendant la réponse. Il partit bientôt pour presser Mithridate, qui consentit à signer les articles, mais qui désirait auparavant avoir une conférence avec Sylla.

Ils arrivent au lieu du rendez-vous avec une suite peu nombreuse ; le roi s’avance le premier et tend la main à Sylla en signe d’amitié. — « Mithridate reçoit-il la paix aux conditions convenues avec Archélaüs, dit Sylla avant de lui donner la main ? » Le prince, étonné, garde quelque temps le silence. — « C’est aux vaincus à demander, continue Sylla, au vainqueur de se taire, pour se consulter sur ce qu’il doit accorder. »

Mithridate prit la parole, et commença par rejeter la cause de cette guerre sur les vexations des généraux romains en Asie ; il s’étendit beaucoup sur ces griefs ainsi que sur sa modération. — « La renommée, lui répliqua le consul en l’interrompant, qui m’annonçait Mithridate comme un homme éloquent, ne m’a point trompé, puisque ce prince sait donner les apparences de justice à une si mauvaise cause ; mais cet examen devient inutile ici. Encore une fois, Mithridate accepte-t-il la paix aux conditions convenues ? — Oui, répond le roi. » Sylla lui donne la main et l’embrasse.

Ainsi finit la première guerre de Mithridate contre les Romains. (An 670 de Rome ; 84 avant notre ère.) Elle dura quatre ans, et à peine trois, depuis l’arrivée de Sylla en Asie. Le traité portait que le roi de Pont allait se départir de tout ce qui appartenait aux Romains dans l’Asie-Mineure ; il devait évacuer la Paphlagonie, la Cappadoce et la Bithynie, les anciens rois y étant rétablis ; payer deux mille talens d’amende ; fournir soixante-dix galères avec tout leur équipage ; et la république, de son côté, s’abstenait d’exercer aucune vengeance sur les peuples ou les villes qui avaient pris le parti du roi.

Les soldats étaient mécontens de voir le plus cruel ennemi de la république, taxé à une amende si légère, en comparaison du prix de ses déprédations. Sylla leur remontra les circonstances fâcheuses où ils se trouvaient, et l’impossibilité de résister à-la-fois au roi de Pont et à Fimbria, s’ils eussent agi de concert, comme plus tard ils pouvaient le faire.