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de la ville que l’ennemi ne pouvait lui échapper. Mais Pompée fut bien surpris quand il vit tout à coup paraître sur des hauteurs six mille hommes qui le tenaient lui-même bloqué, et le menaçaient de le charger en queue au moindre mouvement qu’il oserait tenter contre les assiégeans. « J’apprendrai à cet écolier de Sylla, disait Sertorius, qu’un général doit surtout regarder derrière. » Vous savez que ce grand capitaine périt victime d’une trahison.

Mithridate employa le reste de l’été et tout l’hiver suivant à faire des préparatifs proportionnés à l’importance de la guerre qu’il allait entreprendre. Ce prince, dont le génie ne laissait rien échapper, sentit que les principales causes des victoires de son ennemi résidaient dans la supériorité de ses armes et dans sa discipline. Il fit fabriquer des épées à la romaine, forma des légions, adopta leurs exercices et leurs évolutions. Mais il était trop éclairé pour copier servilement les Romains en les imitant ; Mithridate ne prit d’eux que ce qui pouvait s’accorder avec la forme de son gouvernement et le caractère de ses peuples.

Nicomède, roi de Bithynie, mort sans enfans, avait légué par testament son royaume aux Romains. Mithridate, toujours tourmenté de leur présence dans l’Asie, ne pouvait voir sans une nouvelle inquiétude cette acquisition qui les rapprochait tant de ses états, et ne crut pas qu’il fût prudent de les y laisser affermir leur puissance.

Dès le commencement du printemps il se mit en marche pour les en chasser. Son armée était commandée par Marcus Marius, selon Plutarque, ou Varius, suivant Appien, envoyé par Sertorius pour prendre le commandement des troupes de Pont. Le roi lui-même servait sous le général romain, et lui obéissait comme un simple soldat, voulant donner l’exemple de la subordination. Ou avait réuni cent cinquante-six mille hommes, dont cent quarante mille d’infanterie, seize mille de cavalerie, et cent chariots armés de faux. Une multitude infinie de pionniers et de gens employés aux bagages suivaient l’armée.

Cependant les préparatifs du roi réveillaient l’attention des Romains. Afin de prévenir les entreprises de Mithridate, ou du moins pour en arrêter le cours, ils partagèrent le commandement de l’Asie entre Marcus Cotta et Lucius Lucullus, tous deux consuls. Cotta devait veiller à la conservation de la Bithynie et de la Propontide ; Lucullus eut le gouvernement de la Cilicie, avec ordre de se joindre à son collègue pour s’opposer au roi de Pont.

Lucullus amena une légion de l’Italie, et devait en trouver quatre autres. Elles le joignirent en effet ; toutefois, de ces quatre légions, deux étaient composées des bandes fimbrianes, troupes aguerries, mais parmi lesquelles l’esprit de sédition avait été introduit sous leur ancien chef.

Il fallut songer à rétablir la discipline, entreprise dont la difficulté s’accroît alors en proportion du courage des troupes. Lucullus y travailla et crut y avoir réussi ; cependant il ne put déraciner entièrement le germe du mal. Pompée, qui parut après lui, prit le seul moyen d’en venir à bout, ce fut de disperser ces bandes dans les autres légions. Changer la forme d’un corps, lui ôter son nom, le diviser, c’est lui faire perdre l’esprit, bon au moins, qui l’anime.

Le consul Cotta avait pris son quartier général à Chalcédoine, située vers l’extrémité de la Bithynie. Lucullus lui manda de l’attendre et de ne rien engager qu’ils n’eussent fait leur jonction.

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