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rien à perdre ; et pour la première fois qu’il rencontrait ce prince, il devait attacher une grande importance à ne pas recevoir un échec.

Si les obstacles du terrain ne permettaient pas de faire marcher à la même hauteur toutes les colonnes, il fallait tenir en bataille les cohortes arrivées les premières, jusqu’à ce que l’armée entière eût joint. Sextilius battu, comme il devait l’être, et le vainqueur tombant sur Lucullus, que devenait le général romain dans son camp à demi fortifié, avec une partie de ses troupes ? Les fuyards du détachement de Sextilius auraient encore augmenté le désordre, loin de lui porter secours.

Après la défaite de Mithrobarzane le roi d’Arménie laisse la garde de Tigranocerte à Mancœus, et parcourt son royaume afin d’en tirer de nouvelles troupes. Mais l’intention de Lucullus n’était pas de lui laisser former, à son aise, une autre armée. Murena, d’un côté, manœuvre pour joindre les différens corps qui se dirigent sur le Taurus, et les combattre séparément ; tandis que Sextilius reçoit l’ordre de s’avancer contre un gros d’Arabes qui vient aussi défendre l’Arménie.

Les Arabes firent à peu près la faute que venait de commettre Lucullus. Arrivés sur le terrain où ils devaient camper, ils songèrent à dresser leurs tentes et ne prirent aucune précaution, croyant l’ennemi bien loin. Sextilius les chargea dans ce moment, les défit, et ce corps fut dissipé.

De son côté, Murena suit Tigranes, et n’attend qu’une occasion favorable, afin d’attaquer quelque partie de son armée ; car ses forces sont déjà trop considérables pour que Murena ose entreprendre une action générale. Tigranes s’engage dans une vallée longue et très étroite, où ses troupes ont beaucoup de peine à passer. Murena profite du moment, tombe sur l’arrière-garde du roi d’Arménie, et la défait entièrement.

Sextilius marche contre Mancœus, qui couvrait Tigranocerte ; l’oblige de rentrer dans la ville, forme la circonvallation de la place et de la citadelle, fait dresser des machines, ordonne d’ouvrir la tranchée, et s’approchait déjà des murailles lorsque Lucullus arriva suivi du reste des troupes.

Ce général fit pousser le siége avec plus de vigueur, connaissant le caractère de Tigranes, et supposant que ce prince orgueilleux ne souffrirait pas qu’une ville à laquelle il avait donné son nom, devint la proie des Romains.

Lucullus raisonnait juste, et Tigranes aurait donné dans le piége sans les conseils du roi de Pont. Mithridate le pressa de ne point se hasarder contre les Romains avec des troupes peu disciplinées et nullement habituées à combattre ensemble. Il lui remontra qu’une bataille perdue lui enlevait ses états, et que tout ce qu’il pouvait espérer en la gagnant était de faire lever le siége de Tigranocerte, ville considérable, à la vérité, par ses richesses, mais qui ne formait point une des clés du pays. Le Taurus seul lui paraissait important à garder, et Mithridate conseillait à son gendre de dévaster la campagne, et d’employer contre Lucullus la même conduite que le consul avait tenue envers lui au siége de Cyzique, où nous avons vu que le roi de Pont perdit son armée sans combattre.

Tigranes déféra quelque temps à ces avis sages, que Taxile, envoyé par Mithridate, ne cessait de lui répéter. Mais lorsque les Mèdes, les Adiabéniens, les Ibériens, les Arabes et plusieurs autres peuples qui habitaient sur les bords de l’Araxe, furent venus grossir