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faits, il n’y avait plus pour eux de salut à espérer ; car tel est l’avantage de l’ordonnance à deux fronts. »

Les Gaulois avaient devant l’aile de leur cavalerie opposée à celle d’Atilius, une hauteur occupée par les Romains. Comme il leur importait beaucoup de s’en rendre maîtres, les Barbares l’attaquèrent plusieurs fois avec une grande intrépidité. Ce fut cette tentative inutile des Gaulois qui révéla, dit-on, à Æmilius la présence de son collègue. On peut supposer qu’une pareille découverte ne dut pas peu contribuer à enflammer le courage de ses troupes, comme elle avait soutenu celui des soldats d’Atilius qui, placés sur la hauteur même, connaissaient depuis long-temps l’arrivée de l’autre consul.

Les Gésates se présentèrent nus. Ils s’étaient dépouillés de leurs brais et même de leurs saies légères, peut-être par bravade, ou de peur que les buissons, dont ces lieux étaient couverts, ne les empêchassent d’agir. Mais leurs armes étaient mauvaises ; leurs boucliers trop petits ; et les colliers, les brasselets d’or dont le corps nu de ces Barbares était orné, loin de les défendre, offraient un aliment de plus à la cupidité de leurs ennemis.

Ce fut alors que commença ce combat étonnant entre trois armées à-la-fois. Si l’attitude des Romains paraissait imposante, l’ordonnance adoptée par les Gaulois montrait assez qu’ils étaient déterminés à vaincre ou à mourir. La nudité des Gésates placés aux premiers rangs, les cris confus mêlés au son aigu des trompettes, et que multipliait l’écho des montagnes voisines, inspiraient aux Romains une telle épouvante, qu’ils eurent beaucoup de peine à la surmonter.

Les premiers avantages tournèrent pour eux cependant ; car la cavalerie gauloise ayant été rompue, l’infanterie, privée de ses ailes, se vit environnée de toutes parts, et plus facilement enfoncée. Mais ce ne fut pas sans une résistance formidable de la part des Gaulois, puisque Polybe n’attribue cette défaite qu’au désavantage de leurs armes. Quarante mille d’entre eux périrent ; dix mille furent pris avec leur roi Concolitan. Anéroeste, l’autre roi se sauva, suivi de quelques-uns des siens. Polybe assure qu’il se tua, et que ses amis imitèrent son exemple. Le consul Atilius périt dans le combat.

Æmilius vainqueur alla fondre sur le pays Boïen. Il y porta le ravage, et envoya le butin à Rome, avec les captifs. Britomar, un chef des Gaulois, fut conduit devant le char triomphal d’Æmilius. Il était ceint de son baudrier qu’on avait affecté de lui laisser, parce qu’il avait juré de ne le quitter que dans le Capitole. L’année suivante, d’autres cousuls, T. Manlius et Q. Fulvius, allèrent achever cette conquête. Les Boïes avaient perdu leur armée, leurs chefs, leur jeunesse, et toutes leurs espérances ; ils se livrèrent à la discrétion du vainqueur.

Caïus Flaminius et Publius Furius, ayant succédé, dans le consulat, aux vainqueurs des Boïes, se rendirent d’abord chez les Gaulois Anamares, et les forcèrent à se déclarer pour eux. Ensuite ils traversèrent l’Éridan.

Les armées romaines qui passaient ce fleuve pour la première fois, se trouvèrent chez le peuple Insubrien. Les Romains avaient avec eux d’autres Gaulois, qui ne rougissaient pas de servir contre leurs compatriotes. Les Insubres, abandonnés de leurs frères, poursuivis par les consuls, ne pouvant faire venir des transalpins, se rassemblèrent au nombre de cinquante mille, et s’avancèrent contre les Romains. Cependant les consuls n’osaient