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trop fier à la fidélité des Barbares ; ils préférèrent les renvoyer au-delà du fleuve, et rester avec une armée moins nombreuse que celle de leurs ennemis.

Les Gaulois chargeaient avec de longues épées, mal fabriquées sans aucun doute, mais dont il faut que les coups aient été néanmoins bien terribles, puisque Camille, pour s’en garantir, garnissait les bords des boucliers d’une lame de fer. Leur premier choc était redoutable, et décidait ordinairement le sort de la bataille. Déjà ils en avaient gagné plusieurs sur les Romains, par cette impétuosité à laquelle rien ne semblait pouvoir résister.

Le pilum lancé par la première ligne romaine, bien qu’il fût une arme terrible, comme nous le verrons bientôt, était de peu d’effet contre les Gaulois ; car ces furieux, passant au travers de cette pluie de javelots, sans se déconcerter, venaient à la charge en courant, et ne donnaient pas le temps de brandir l’arme meurtrière, ni d’en mesurer le jet. Ils joignaient d’abord leur ennemi, assénaient sur lui les premiers coups de leur sabre, et parvenaient à se faire jour.

Avec un pareil adversaire il fallait des armes de longueur, et le pilum était trop pesant pour devenir maniable. Les tribuns, ayant fait enchâsser la première ligne dans la seconde, prirent le parti de distribuer sur leur front les piques des triaires qui formaient la réserve dans l’ordonnance romaine. À force de frapper de taille sur ces longues piques, dit Polybe, les épées des Gaulois devinrent bientôt inutiles.

On voit que le but des tribuns était d’arrêter la première fougue des Gaulois, et ce fut en effet le seul avantage qu’ils pouvaient retirer de ce changement d’armes. Les soldats quittèrent la pique aussitôt qu’ils virent les Gaulois rebutés, et mal secondés par leurs sabres. Couverts du bouclier, et la courte épée à la main, ils se jettèrent dans la mêlée où ils eurent tout l’avantage qu’en ces occasions une arme de pointe donne sur une arme de taille. Les Gaulois furent vaincus ; ils demandèrent la paix, on la leur refusa.

Ce qui étonne le plus dans le génie de ce peuple, c’est de le voir aimer la guerre avec passion, ne connaître d’autre métier, et ne s’y pas montrer plus habile. Cependant la nature et l’expérience lui ayant donne quelquefois de bons capitaines, on doit croire qu’il y avait dans sa police intérieure des vices indestructibles qui l’empêchaient de profiter des leçons de ses ennemis. D’ailleurs il aurait fallu cultiver d’abord les arts qui prêtent leur secours à la science militaire, et l’on n’en trouve pas le moindre vestige chez ces Gaulois.

Ils n’étaient pourtant pas tout-à-fait ignorans dans la tactique, comme il y paraît par cet ordre à deux fronts, dont nous avons parlé, et par quelques autres dispositions que l’on retrouve dans leurs nombreuses batailles. Outre la cavalerie et l’infanterie qui combattaient ordinairement séparées, la première sur les ailes, la seconde au centre, et quelquefois mêlées ensemble pour se soutenir mutuellement, ils avaient des chariots de guerre, afin de rompre les rangs des ennemis. Ces chariots, montés par des gens de traits, s’avançaient au milieu de la mêlée, et les hommes en descendaient pour combattre à pied comme les autres fantassins ; ils y remontaient avec la rapidité de l’éclair, s’ils étaient obligés de se porter sur un autre point de la ligne. Pour manœuvrer ces lourdes machines, rien n’était comparable à la dextérité du Gaulois.