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sauf en Arménie. Le Surena, qui voyait échapper ces débris de l’armée romaine, proposa une conférence au consul et le fit massacrer.

On a beaucoup blâmé Crassus, et sa conduite mérite de l’être. Remarquons cependant que rien ne paraît plus judicieux que son ordre de bataille, et qu’il se serait certainement tiré d’affaire si d’autres causes n’avaient concouru à sa défaite.

Parmi ces causes il faut placer la catastrophe de Publius, que l’on connut aussitôt, et qui dut produire un effet terrible sur le moral des troupes ; on doit tenir compte aussi de l’accablement de l’infanterie, Crassus l’ayant conduite sans ménagement, sans même lui donner le temps de repaître.

Sa disposition sur trois carrés indique assez qu’il n’avait pas l’intention de laisser son armée immobile, exposée aux traits des Parthes, qui se croisaient de toutes parts, et dont le légionnaire, pouvait à peine se garantir au moyen de son bouclier. Crassus voulait faire charger alternativement chaque carré avec sa cavalerie, et il est certain que cette méthode répétée avec vigueur, toutes les fois qu’il se serait vu trop pressé par l’ennemi, lui eût à la fin imposé.

Ainsi l’armée romaine gagnait toujours du terrain, et dirigeait sa retraite vers Carrhæ, qui devait être son point objectif et le seul parti qui lui restât, lorsqu’elle se vit trahie et engagée dans ces plaines arides où le trop de confiance de son chef l’avait conduite.

Les flèches des Parthes étaient très grosses, et avaient une grande portée. Rien ne semble plus propre à désoler une infanterie pesante ; il ne fallait donc pas s’en laisser accabler. Mais aussi l’on devait bien se garder de se désunir, et surtout de trop s’écarter du gros de l’armée, comme le fit le jeune Publius, qui périt victime de son emportement.

Artabaze, roi d’Arménie, ayant su par ses ambassadeurs la réponse de Crassus, n’eut pas de peine sans doute à prévoir ses désastres, et se hâta de former une alliance avec le roi des Parthes. Il est vraisemblable qu’Artabaze puisa dans la lecture des Grecs, dont ce prince connaissait parfaitement la langue, les principes de la guerre et de la politique, et qu’en cultivant les sciences il apprit également à gouverner ses états, et surtout à les conserver.

Sept légions presque entièrement détruites, les aigles romaines servant de trophées aux Barbares, le consul et son fils tués pendant l’expédition, c’était un des plus grands échecs qu’eût reçus la république.

Les guerres civiles dont Rome fut déchirée ne lui permirent pas de venger la honte de cette défaite, jusqu’à ce que Antoine, prenant une grande autorité en Orient, sa faveur éleva aux premiers grades un homme dont la valeur et le mérite justifièrent le choix qu’il en fit.

C’était Ventidius, qui battit les Parthes dans trois combats, et les chassa de la Palestine ainsi que de la Syrie. Pacorus, fils de leur roi, époux de la sœur d’Artabaze, périt dans la dernière de ces batailles.

Le général romain, content de leur avoir fait payer cher l’avantage remporté sur Crassus, et de les refouler dans la Mésopotamie, ne voulut pas suivre plus loin ses succès, par ménagement pour Antoine dont il craignait d’exciter la jalousie.

Nous manquons de détails sur cette expédition, et l’on ne sait rien des manœuvres qu’employa Ventidius pour vaincre les Parthes. Antoine, qui était alors en Grèce, se hâtait en effet de venir joindre son lieutenant. Il l’envoya jouir