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Alpes aux Pyrénées, était encore l’ouvrage des légions de Domitius.

Ces victoires, ces colonies, ces routes, ces canaux, et une multitude d’autres travaux qui devaient fortifier et embellir la Gaule, furent achevés en moins de quarante ans, à dater de la prise d’Ægitna. Pour tout autre peuple, on verrait un prodige ; ce n’était qu’un fait ordinaire chez les Romains.

Ils avaient nommé Gaule Narbonnaise ou province romaine le pays conquis autour de la Méditerranée, depuis les confins de la Ligurie jusqu’aux Pyrénées ; mais dans la vaste partie de la Gaule non soumise à leur domination, et qui, selon leurs calculs, comprenait tout l’espace contenu entre la province romaine, les Alpes, l’Océan et le Rhin, les Romains remarquèrent trois peuples très différens, bien qu’ils eussent entre eux assez de rapports pour ne paraître qu’une même race, quand on les observait avec attention.

Les Aquitains habitaient entre les Pyrénées et la Garonne ; les Celtes, que nous appelons Gaulois, dit César, sont situés entre la Garonne et la Seine ; les Belges, s’étendent au-delà de la Seine et de la Marne, jusqu’aux embouchures du Rhin. Chacun de ces peuples différant de mœurs, de coutumes, et même de langage, se divisait en une multitude de petits états indépendans, les uns sous un chef, les autres sous une espèce de sénat. Mais tous avaient des vices, des vertus et des erreurs communes.

Les Gaulois comptaient peu de villes, supposé qu’ils en eussent, puisque avant la conquête les anciens n’en ont connu et cité que six, dont cinq étaient près de la Méditerranée, dans des contrées où les Espagnols et les Massiliens portèrent un commencement de civilisation.

Ces villes sont Ægitna, détruite par le consul Opimius, et voisine de Marseille ; Ruscino et Illiberri, dont parle Polybe ; Pyrena, citée par Festus Favienus ; Narbonne, où les Romains envoyèrent une colonie ; enfin la sixième, qui se trouvait éloignée des possessions de Massilie, se nommait Corbilon, bâtie, dit-on, sur l’Océan, à l’embouchure de la Loire. Corbilon pourrait bien n’avoir été qu’un comptoir, un entrepôt des Phéniciens ou des Carthaginois ; car ce nom n’est pas plus celtique ou gallique que celui de Narbonne.

Ces deux dernières villes étaient si peu connues que Scipion, lorsqu’il cherchait Annibal dans les Gaules, ne put jamais apprendre des Massiliens où elles se trouvaient situées. Vous le comprenez bien, toutes ces prétendues villes ne méritent guère que le nom d’enclos.

Je ne crois pas que les anciens en aient cité aucune autre de la Gaule Transalpine, avant le temps où les Romains y entrèrent, si ce n’est celles que les Massiliens élevèrent en Provence et sur les côtes de la Méditerranée ; car il faut distinguer soigneusement les lieux et les temps.

Le défaut de villes ne prouve pas toujours qu’un pays soit désert. Les habitans vivaient alors dispersés sur leur territoire ; chacun plaçait sa cabane dans le lieu qui lui convenait, au bord d’un ruisseau, au pied d’une colline ou d’un arbre ; les troupeaux erraient à l’entour.

Lorsque les Romains commencèrent à connaître les Gaulois, ils les trouvèrent logés dans des cabanes rondes, construites en bois, enduites de terre grasse, et couvertes d’herbes ou de feuillage. On pratiquait une ouverture à la voûte pour laisser passer la fumée. Les Hottentots et les sauvages du Canada ne sont pas autrement logés.

Ces hommes épars se rassemblaient à certaines époques dans un lieu indi-