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pour les lois. Le peuple, tenu dans l’abjection, n’entrait dans aucun conseil, ne formait point d’assemblée, n’avait aucune part aux honneurs, ni au gouvernement. Il était, dit César, aussi avili que les esclaves, et presque confondu avec eux.

Les prêtres, étant toujours chez les Barbares plus éclairés que le reste de la nation, comprirent de bonne heure que les hommes ne deviennent forts qu’en se réunissant, et composèrent leur ordre sur le modèle d’une armée. Ils eurent un chef, des sous-chefs et de simples soldats.

Ainsi fut organisé le corps des Druides. Il s’arrogea bientôt le privilége exclusif d’enseigner, de prédire, de sacrifier.

Les hordes devenant moins errantes, les Druides consacrèrent à leur culte des enceintes sacrées qui leur tinrent lieu de temples qu’ils ne savaient point bâtir. Les peuples y déposaient une partie de leur butin et de leurs récoltes. De là viennent ces richesses trouvées par les Romains dans les Gaules, ces trésors que l’on découvre quelquefois encore, et que l’on ne peut distinguer de ceux que la terreur a fait enfouir à des époques de calamités publiques.

Tous les ans le corps des Druides s’assemblait dans le pays des Carnutes que l’on supposait situé au centre des Gaules. Là, dans un lieu consacré, ces prêtres s’érigeaient en juges et citaient à leur tribunal les principales affaires. Tout homme élevé par eux demeurait soumis à leur juridiction sans pouvoir jamais s’en affranchir.

Si l’on en croît la plupart des écrivains, il semble que cet Ordre décidait de tout. Cependant l’histoire montre assez son impuissance pour empêcher les divisions intestines ; et l’on ne voit pas que les diverses nations de la Gaule aient long-temps goûté les douceurs de la paix.

Il est certain que les Druides jouissaient de grands privilèges, ce qui engageait beaucoup de jeunes gens à entrer dans ce corps. Ainsi, leur exemple et les principes établis par eux, au lieu de former dans la nation un esprit public, apprenaient à éluder les devoirs du citoyen, faisaient préférer les exemptions aux charges utiles de la société.

Ils enseignaient leur doctrine avec un grand mystère. Les Mages, les Shoen, les Brahmes, et en général tous les prêtres du monde enveloppent leurs dogmes d’obscurité, et en interdisent l’examen. C’est ce qui les distingue des savants, des vrais philosophes ; car ceux-ci au contraire recherchent la vérité pour la faire connaître, exposent leur doctrine afin qu’on la discute, et demandent qu’on les éclaire s’ils se trompent.

Pomponius Mela qui écrivit cinquante ou soixante ans après César, et paraît avoir bien connu les dogmes et le culte des Druides, nous apprend qu’ils se vantaient de connaître la forme et la grandeur de la terre, les mouvements des astres, et tout ce que les Dieux exigent de l’homme. C’est dans le fond des antres dit-il, que la jeunesse est instruite en secret pendant vingt ans. Un seul dogme, ajoute Mela, perce dans le peuple, sans doute pour l’exciter à braver la mort sur le champ de bataille ; ce dogme enseigne que les âmes sont éternelles, que les mânes jouissent d’une autre vie.

Lucain, contemporain de Pomponius Mela, nous a transmis en beaux vers cette croyance des Gaulois, ainsi que la barbarie de leur culte. On peut rendre ainsi ce passage :