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ils apprennent que ce général a reçu un renfort de deux légions. Elles arrivaient envoyées par César avec les bagages.

Étonnés de cette nouvelle, ils s’arrêtent et décident d’établir leur camp a quinze milles de celui des Romains. Les Trévires se flattaient d’attendre ainsi tranquillement les secours qu’on leur avait promis de la Germanie ; mais Labienus pénétra leur dessein, et, connaissant leur ignorance dans la guerre, imagina un moyen pour les entraîner à combattre avant l’arrivée du renfort.

Il laisse cinq cohortes à la garde de son camp, prend les vingt-cinq autres avec de la cavalerie, vient se poster à mille pas (géométriques) des Trévires, et fait fortifier sa position.

Une rivière coulait entre les deux armées, et le passage en était difficile. Labienus n’avait aucune envie de le tenter, et encore moins espérait-il que les Trévires, qui attendaient les Germains de jour en jour, commissent une telle imprudence en face de l’armée romaine. Il fallait cependant engager l’ennemi à chercher le combat.

Afin d’y parvenir, Labienus feint de redouter des forces aussi considérables ; il dit en plein conseil que, les Germains arrivant, on ne doit pas s’exposer aux chances d’une bataille, et qu’il prend la résolution de décamper vers le point du jour.

En déclarant ainsi hautement son dessein, Labienus supposait que, parmi les Gaulois auxiliaires de l’armée romaine, il s’en trouverait quelques-uns très-empressés de porter cette nouvelle aux Trévires. À la nuit, il assemble les tribuns et les principaux officiers, leur découvre ses vrais projets, et recommande de faire beaucoup de bruit en décampant.

L’arrière-garde était à peine sortie de ses lignes, que les Gaulois, se croyant sûrs de la victoire, s’encouragent les uns les autres et passent la rivière.

Labienus, les voyant arrivés sur le terrain qu’il avait choisi, ordonne aussitôt à ses troupes de faire face en arrière, renvoie ses bagages sous l’escorte de quelques Turmes vers une hauteur peu éloignée, et, rangeant le reste de sa cavalerie aux ailes de son infanterie, donne le signal du combat.

Les Gaulois, surpris de se voir attaquer par un ennemi qu’ils croyaient effrayé de leur présence, ne supportèrent pas même le premier choc. Labienus les fit poursuivre par sa cavalerie, qui en massacra un grand nombre et ramena beaucoup de prisonniers.

La conduite de Labienus montre un général qui a bien étudié le caractère bouillant de son ennemi, et sait en profiter avec adresse. Nous ne devons toutefois pas omettre la réflexion de Rohan sur ce fait d’armes : « Je ne conseillerais jamais, dit-il, de tenter un tel stratagème avec de nouveaux soldats, qui, le plus souvent, s’effraient quand on vient à eux en courant et sans ordre ; ce qui, au contraire, assure ceux qui sont expérimentés au combat. » Cette remarque est d’une grande justesse.

Quelques hordes germaniques, qui s’étaient avancées pour secourir les Trévires, se retirèrent en apprenant leur défaite ; les parens d’Indutiomar s’enfuirent ; son ennemi, Cingetorix, redevint chef de ce peuple.

Le proconsul se décide alors à passer le Rhin pour châtier les Germains, et surtout pour fermer leur pays à l’ennemi qu’il poursuit sans relâche. César construisit un pont sur le fleuve, au-dessus de l’endroit où il l’avait tra-

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