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les vaisseaux, et les trésors dont il avait besoin ; mais il laissa les lois, les usages et les formes républicaines d’un gouvernement qu’il n’avait nul intérêt à changer. Ces conditions parurent encore plus douces que le vaincu n’avait lieu de les attendre.

La prise de Marseille fut le dernier exploit de César dans les Gaules. Il en partit pour aller vaincre Pompée en Grèce, Ptolémée en Égypte, le fils de Mithridate dans l’Asie-Mineure, Caton, en Afrique, et les enfans de Pompée dans cette même Espagne d’où il avait chassé les lieutenans de leur père.

Ces victoires remportées par César sur les Romains, dans toutes les parties du monde connu en ce temps, ne lui prirent que cinq années. Il en avait passé neuf à soumettre les deux tiers de la Gaule, depuis les Cévennes jusqu’à l’embouchure du Rhin qui se jetait alors dans l’Océan germanique.




Si la population d’un peuple fait sa force et prouve sa prospérité, il doit être utile de connaître la population de la Gaule avant la conquête des Romains.

Jamais César n’indiqua d’une manière positive le nombre des Gaulois qu’il eut à combattre, et encore moins combien il en tua. Nous ne savons rien de précis non plus sur les villes et les nations qu’il parvint à soumettre. Mais Plutarque, cent quarante ou cent cinquante ans après lui, osa faire un tel calcul, et, avec ce défaut d’examen qui lui est ordinaire, avança que César avait eu en tête plusieurs fois trois millions d’hommes armés.

Plutarque ajoute que César tua un million d’individus, et fit aussi un million de prisonniers ; qu’il emporta huit cents villes, et soumit trois cents nations. Toutes ces exagérations sont démenties par les Commentaires. César y parle de quatre-vingts peuples, nomme vingt-huit villes, et nous avons vu qu’il ne rencontra jamais plus de trois cents mille combattans.

Plusieurs savans modernes, cherchant à évaluer la population des Gaules, ont, par vanité, par gloire de leurs ancêtres, préféré le calcul du philosophe grec, qui n’approcha jamais de nos frontières, au témoignage du héros qui occupa le pays pendant neuf années. Ces savans ont fortifié leur sentiment par les récits de quelques anciens auteurs.

Diodore de Sicile écrivait sous Auguste, trente ou quarante ans après la mort de César. Il dit que les plus fortes nations de la Gaule pouvaient être composées de deux cent mille individus, et les plus faibles, de cinquante mille. Mais Diodore ne spécifie point le nombre de ces nations, et César n’avait compté que quatre-vingts peuples.

On voit par les listes de ce grand homme de guerre, qu’il n’existait dans la Gaule que deux seules nations en état de fournir cinquante mille guerriers ; ce qui porte, en effet, pour chacune la population à deux cent mille âmes. C’est donc pour les deux peuples quatre cent mille. Ces mêmes listes nous montrent aussi que beaucoup d’autres nations ne pouvaient fournir au-delà de quatre à cinq mille combattans.

Pour ne rien contester à Diodore, supposons que, sur ces quatre-vingts peuples comptés par César, les soixante et dix-huit qui n’avaient pas chacun deux cent mille individus en produisissent cinquante mille. Ce serait pour la population de tous, trois millions neuf cent mille ; lesquels joints aux quatre cent mille des deux peuples