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Bien que la fortune eût encore favorisé dans cette occasion les affaires de César, elles n’en devinrent pas beaucoup meilleures. Il resta comme bloqué dans son camp et sur le petit terrain que la rivière laissait à sa disposition ; la disette devint de jour en jour plus cruelle et plus insupportable.

L’ennemi, qui vivait dans l’abondance, se riait de cette détresse, et croyait la guerre terminée. Les rapports qu’Afranius, Petreius et les principaux officiers de cette armée en firent à leurs amis de Rome, étaient tous si exagérés, qu’on ne douta plus en Italie de la ruine du parti de César.

Mais on ne réduisait pas facilement à l’extrémité un esprit aussi ferme et aussi entreprenant. Personne n’était plus en état que lui de juger sa position critique, et il ne voulait pas attendre du temps et du ciel l’occasion de franchir les barrières que les fleuves lui opposaient.

Après bien des efforts inutiles pour construire un pont sur la Sègre, il imagina enfin un expédient qui devait le sortir de ce mauvais pas. À cinq lieues de Lérida, un peu au dessus de Balaguer, la Sègre coule entre des montagnes qui, en resserrant ses bords, rendent son cours plus rapide : ce fut vers cet endroit que César résolut de passer.

Comme il était assez éloigné du pont d’Ilerda, il crut pouvoir aisément gagner l’autre côté de la rivière avant que l’ennemi en fût informé. Les montagnes favorisaient ses manœuvres en lui servant de rideau pour cacher ses préparatifs. Les hauteurs du bord opposé de la Sègre étaient précisément celles où s’était cantonné son grand convoi, qui pouvait ainsi lui prêter main-forte dans l’exécution de son passage, ou du moins occuper les troupes légères qui observaient les bords du fleuve.

Il fit construire secrètement des barques dont il avait vu le modèle en Angleterre ; le principal mérite en était la légèreté. On les transporta pendant la nuit à environ deux mille pas (géométriques) du camp ; on les remplit d’autant de monde qu’elles en pouvaient contenir, et ces barques traversèrent sans être signalées à l’ennemi.

Ces troupes ayant occupé la hauteur la plus voisine et rendu leur poste respectable, César devint maître des deux bords de la rivière, et rien ne l’empêcha plus de construire son pont. Il acheva ce travail en dix jours, et rétablit ainsi les communications interrompues. Son premier soin fut de dissiper les troupes légères qui avaient investi les montagnes voisines où son grand convoi s’était retiré. Il le dégagea sans peine, et le fit arriver dans son camp.

La nouvelle de la victoire navale de Brutus contre les flottes de Marseille, qui se répandit sur ces entrefaites, opéra une révolution complète dans les affaires de César. Cinq nations avantageusement situées et très-capables de seconder ses vues, prirent de suite son parti. En peu de temps, ses troupes eurent des vivres en abondance, et il acquit une supériorité si décidée sur ses adversaires, que personne ne douta plus de ses succès.

Il n’en fallait pas tant pour rendre à César sa grande activité. Son premier dessein avait été de couper à son ennemi toute communication avec le pays voisin. Il revint à cette idée, et détacha la plus grande partie de la cavalerie de l’autre côté de la rivière, afin d’inquiéter les fourrageurs.

Cependant cette petite guerre ne pou-