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devancer sur une marche de cinq mille pas romains.

Mais on doit avouer aussi que la conduite des généraux de Pompée ne répondit pas à la grande réputation qu’ils s’étaient acquise. César le fait observer ; encore qu’ils eussent gagné avant lui les défilés d’Octogesa, et exécuté le passage de l’Èbre, sa marche ne leur devenait pas moins funeste ; car, laissant tous les équipages de l’armée dans le camp qu’ils venaient de quitter, ils ne devaient plus espérer de les rejoindre. La perte toujours sensible des bagages aurait aliéné les esprits, et causé de grands inconvéniens pour le reste de la campagne.

Ce qui paraît plus inconcevable, c’est de voir Petreius et Afranius rester deux jours et une nuit dans leur camp, avec la ferme persuasion que leur salut est attaché au passage de l’Èbre, et ne pas faire partir d’avance les équipages, ne fût-ce que pour se débarrasser.

Si faible que l’on suppose la résistance de l’escorte, elle aurait suffi pour contenir quelque temps la cavalerie et les légions, que les obstacles naturels arrêtaient à chaque pas. Mais la fortune se plaît à seconder les généraux habiles et entreprenans.

À peine César avait franchi les rochers et gagné ce terrain qui se trouve en avant du défilé d’Octogesa, que l’on vit l’ennemi s’avancer. César se mit promptement en bataille, sa gauche vers la rivière, à l’endroit où la Cinca tombe dans la Sègre, et sa droite du côté des montagnes. Cette manœuvre, que la disposition des lieux lui indiquait, suffit pour arrêter court son adversaire.

L’embarras et la confusion des généraux de Pompée étaient extrêmes : n’osant risquer de forcer le passage avec des troupes qui se sentaient l’ennemi à dos et en face, ils occupèrent de suite une hauteur sur leur gauche, vis-à-vis celle qui appuyait la droite de César ; là, cherchant à tirer tout le parti possible de leur situation, ils crurent pouvoir mettre en défaut la vigilance de leur ennemi.

Ce nouveau poste était placé à l’opposite de la montagne la plus élevée de ces environs, et ne s’en trouvait séparé que par une petite plaine. D’autres hauteurs continuaient depuis cette montagne jusqu’au bord de l’Èbre, dans une distance de quatre mille pas romains, et formaient ces passages si difficiles dont parlèrent Petreius et Saxa. Le temps avait manqué à César pour porter son attention de ce côté.

Il est évident que si les généraux de Pompée parvenaient à se rendre maîtres de ces gorges, ils gagnaient le flanc de l’ennemi, et poursuivaient leur marche par les hauteurs jusqu’à leur pont d’Octogesa. Ils se flattèrent aussi de se mettre de cette manière à l’abri des insultes de la cavalerie ennemie, et d’avoir la supériorité du terrain lorsqu’il faudrait résister aux légions. Quatre cohortes furent donc détachées.

Ce plan ne devenait pas d’une exécution trop difficile, si l’on avait pu passer la plaine à l’insu de la redoutable cavalerie de César ; mais à peine on s’aperçut de la marche des quatre cohortes, que cette cavalerie, fondant sur elles au milieu de leur course, les enveloppa sans peine et les sabra en présence des deux armées.

Si les légions de César avaient formé l’attaque dans ce moment, nul doute que tout l’avantage ne fût pour elles. Mais César entrevit la possibilité