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de la rivière, et par conséquent dans l’impossibilité d’abreuver les hommes et les chevaux. Cependant, comme le jour commençait à baisser, ils prirent le parti d’asseoir leur camp et se retranchèrent.

Voyant l’ennemi concourir à la réussite de son projet par sa mauvaise conduite, César donna ordre à sa cavalerie de ne plus l’inquiéter. Il choisit pour son camp un terrain spacieux et commode, qu’il avait rencontré un peu au dessus de celui des généraux de Pompée, et se saisit de tous les postes environnans.

Afranius et Petreius, ne pouvant rester dans cette position, trouvèrent le moyen de changer leur camp et de lui donner une assiette plus sûre. Le terrain que César occupait était assez étendu pour souffrir l’emplacement d’un camp semblable ; ils résolurent de s’y porter, autant pour l’obliger de réunir toutes ses forces, dont une partie inquiétait leurs derrières, que pour se débarrasser du coupe-gorge où ils s’étaient enfournés.

À la nuit, ils quittèrent leur position, et, parvenus à une certaine distance de l’emplacement choisi, commencèrent à faire travailler toutes les troupes, afin de former l’enceinte d’un nouveau camp. Mais, au lieu de perfectionner la face qui faisait front contre l’ennemi, ainsi que celle de derrière, ils s’appliquèrent plus à prolonger les lignes des flancs et à s’avancer avec ces deux branches droit contre le camp de César[1].

Ils étaient encore occupés à ce travail, lorsque le jour parut. On y employa le reste de la journée ; enfin ces ouvrages, étant conduits à une distance de deux mille pieds de ceux de l’ennemi, reçurent la perfection requise et formèrent un second camp.

César fait honneur aux généraux de Pompée de ce travail hardi et bien imaginé, qui les tirait d’un mauvais pas ; mais il remarque qu’ils s’étaient éloignés de la rivière, et n’avaient guéri un mal que par un autre plus grand encore. Afranius et Petreius en firent la triste expérience dès la première nuit de leur séjour dans le nouveau camp.

Aussitôt César conçut le projet de resserrer son ennemi par une ligne environnante, dont le contour embrassât toutes les issues praticables. Cette ligne sortait de la droite de son propre camp, et s’étendait autour du flanc gauche et des derrières d’Afranius, jusque vers le point où est aujourd’hui le village de Sarroca. La rivière formait pour ainsi dire la corde de l’arc figuré par le contour de la ligne ; bien que César ne la continuât pas d’abord de ce côté, sa cavalerie occupant la petite plaine située entre la Sègre et les deux camps, et rendant l’accès du fleuve difficile.

Deux jours employés à ce travail avancèrent tellement l’ouvrage, que l’ennemi, qui d’abord n’en avait pas pénétré le motif, s’effraya et résolut de mettre tout en œuvre pour en arrêter le progrès. Les généraux de Pompée ne pouvaient plus s’exposer aux risques qu’ils avaient courus les jours précédens ; ils prirent la résolution d’offrir la bataille.

Le signal fut donné à toute l’armée de sortir des retranchemens. César, qui ne voulait pas que sa politique fût regardée comme l’effet de la timidité ou du manque de confiance dans ses troupes, ne balança pas un moment à se

  1. Voyez l’Atlas.