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tention de son ennemi ; et comme il se trouvait plus près que lui de Dyrrachium, il espéra le prévenir par une marche rapide. Mais, malgré les fatigues du jour précédent, César engagea ses soldats à continuer leur route toute la nuit, et se trouva maître du seul chemin qui menait à la ville, lorsque l’avant-garde de Pompée parut sur les hauteurs.

Il est étonnant qu’un général aussi consommé dans la guerre ait pu se méprendre un seul instant sur les véritables projets de César. Pompée occupait Asparagium ; mais il tirait de Dyrrachium ses vivres et tout ce qui était nécessaire à ses troupes.

Ce général maître de la mer, César ne pouvait former par là aucune entreprise ; il devait donc tourner ses vues du côté de la terre, afin d’intercepter ainsi les communications de Dyrrachium vers Asparagium, communications plus certaines que par mer. César manifestait assez le dessein de se camper entre Pompée et sa place d’armes.

On n’est pas moins surpris de voir ce général, instruit par ses coureurs de la route que prend César, remettre au lendemain son départ, au lieu de disputer de vitesse avec son adversaire. César, plus actif, et qui sait combien les momens sont précieux à la guerre, encourage ses troupes à surmonter la fatigue, prévient Pompée, et lui coupe le chemin de Dyrrachium.

Séparé de ses magasins et de ses arsenaux, Pompée se hâta de prendre possession du promontoire de Petra, qui couvrait une petite baie peu éloignée de la ville, et y fit aborder ses vaisseaux de transport et les bateaux chargés de provisions que renfermait Dyrrachium. Il voyait bien que César cherchait une affaire générale, mais il crut pouvoir l’éviter au moyen d’une défensive savante, qui le menaçait de le tenir longtemps encore en échec. César alors, dont la position devenait pressante, entreprit de lui fermer entièrement la campagne.

« C’était, dit-il, une façon extraordinaire de faire la guerre, tant par le grand nombre de forts que par la vaste étendue des lignes. La coutume, ajoute-t-il, est de n’enfermer un ennemi que dans le cas où on le voit inférieur en nombre, troublé par quelque perte, ou qu’on veut l’affamer ; mais ici César investissait une armée plus nombreuse que la sienne, n’ayant éprouvé aucun désavantage, et abondamment pourvue de toutes choses, tandis que lui manquait au contraire de tout. »

César commença par occuper plusieurs monticules voisins du camp de Pompée, sur lesquels il fit élever des forts[1]. Il joignit ces forts par des lignes de communication conduites à travers les vallons, comme il le pratiqua sous Alise ; et bientôt il fut en état de former une chaîne de redoutes, une vraie contrevallation.

Voulant déconcerter cette entreprise audacieuse, Pompée s’empara de quelques hauteurs à son tour, les fortifia, les unit de même par des forts ; et plus César s’occupait de resserrer ses ouvrages, plus son adversaire cherchait à étendre les siens. Les deux armées sous les armes combattaient en détail et se disputaient le terrain favorable. Quand on était repoussé d’une hauteur, on se jetait sur une autre, sans interrompre la ligne, qui ne faisait que changer de direction.

Cette campagne mémorable, ouverte le 4 janvier (an 706 de Rome ; 48 avant notre ère), à l’époque du débarquement

  1. Voyez l’Atlas.