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la république qui fit adopter à Labienus le parti de Pompée, comme le prétend Plutarque ; et Cicéron n’eut pas moins de tort de lui prodiguer les noms de grand homme, d’excellent citoyen. Labienus ne se montra ni l’un ni l’autre ; il n’était qu’ingrat et jaloux. Ce lieutenant, qui s’était couvert de gloire sous César, ne fit plus rien que de faible et de honteux, dès qu’il abandonna ses enseignes ; ce qui fit dire à César qu’il avait non-seulement changé de fortune, mais de cœur.

Cette maladie du bien public servit toujours de prétexte aux ambitieux. Il n’est que trop clair que Pompée lui-même aspirait au même degré d’autorité que Sylla avait eu autrefois, et qu’il comptait, en introduisant l’anarchie dans la république, se frayer une route à la monarchie.

On doit louer la conduite modérée de César, lorsqu’il envoya deux de ses légions à son rival, bien qu’il n’ignorât pas qu’on les lui demandait pour l’affaiblir et s’en servir contre lui-même. Maître de Rome, il engagea les sénateurs à ne rien négliger, afin d’obtenir un accommodement ; il proposa une conférence, s’offrant de congédier ses troupes, si Pompée voulait se retirer dans son gouvernement d’Espagne. Ce parti plaisait à Cicéron, qui le regardait comme le seul moyen d’éviter la guerre civile.

Il est vrai que César vainqueur prit les mesures les plus efficaces pour conserver l’autorité souveraine ; soit qu’il craignît la vengeance de ses ennemis, ou plutôt parce qu’il croyait les Romains trop corrompus pour vivre tranquillement sous l’empire des lois de leurs ancêtres. S’il eût usé de sa puissance pour rendre la liberté à la république, au sénat son autorité, aux lois leur ancienne vigueur, il aurait acquis un droit éternel à la reconnaissance et à la vénération de ses concitoyens ; il évitait sans nul doute le coup fatal qui trancha le cours de sa vie si glorieuse. Mais cette mort prouva combien César avait jugé sainement son époque. Le tyran disparut un moment de Rome ; la tyrannie subsista.




CHAPITRE XIV.


Rome sous les Empereurs.


Ce qui distingue l’empire romain, ce n’est ni sa grandeur ni la rapidité de ses conquêtes : Alexandre, Gengiskan, Tamerlan, les califes ont eu des possessions aussi vastes, et les ont réunies avec plus de facilité peut-être ; mais Rome seule présente sept siècles de succès. Les grands empires se sont formés en subjuguant des nations barbares ; Rome soumit, l’une après l’autre, toutes les nations policées qu’elle connut, tous les peuples à demi civilisés ou sauvages qu’elle rencontra, et ne borna le cours de ses victoires qu’avec les limites du monde.

Les cinq premiers siècles de Rome ne nous montrent aucune réforme ; on n’y voit la réparation d’aucun abus. Pour trouver un exemple de changement, il faut aller jusqu’à l’an 585, lorsque Paul Émile établit dans son armée une nouvelle manière de recevoir l’ordre. Auparavant, le tribun le donnait à haute voix, et comme toute la légion ne l’entendait pas, les uns faisaient plus, les autres moins qu’il ne fallait, chacun interprétant les paroles à sa manière. Paul Émile ordonna que le tribun transmettrait l’ordre à l’oreille du primipile, celui-ci au centurion le plus proche, et ainsi de bouche en bouche.

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