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et vos frères sachiez que je puis à mon gré ôter ou donner des couronnes. » De tels spectacles ne se sont vus qu’à Rome ; ils y furent assez communs pendant quelques siècles.

Vespasien en Judée réforma aussi la discipline, et Titus après lui la soutint, mais avec plus de douceur : « Il croyait, dit Josèphe, qu’à l’égard d’un seul coupable, on devait infliger la punition ; mais que, pour les fautes communes à un grand nombre, les paroles pouvaient suffire. »

Domitien perdit les mœurs. Ce fut sous son règne qu’Agricola, beau-père de l’historien Tacite, fit faire à sa flotte le tour de l’île des Bretons, découvrit les Orcades et les soumit aux Romains. Jusque-là, on avait ignoré si le pays des Bretons était une île, où s’il confinait à la Germanie par le nord.

Nerva, Trajan surtout, ranimèrent l’état expirant, et remirent en vigueur les lois anciennes. Trajan, grand prince, grand homme de guerre, ne put réformer tous les abus que le mauvais règne de Domitien avait introduits dans la milice, et que Nerva n’eut pas le temps de corriger. Il faut dire encore que Vespasien et Titus ne parvinrent pas à resserrer entièrement les liens de la discipline, relâchée sur la fin de Tibère, sous les règnes malheureux de Caïus et de Claude, et surtout pendant l’horrible confusion des guerres de Galba, d’Othon et de Vitellius.

L’Arménie était toujours un sujet de discorde entre les rois des Parthes et les empereurs de Rome. Trajan réduisit ce royaume en province romaine, et la mit sous l’autorité d’un simple gouverneur. Poursuivant le roi des Parthes, il parcourut ces mêmes lieux où jadis Alexandre avait fait tant de conquêtes ; il passa le Tigre, s’embarqua sur le golfe Persique, subjugua plusieurs peuples inconnus des Romains, et que depuis aucun général de Rome n’a revus ; on croit même qu’il parvint jusqu’à l’Inde.

Tous les peuples policés connus du sénat, tous ceux qui avaient joué quelque rôle dans l’antiquité, Grecs, Égyptiens, Maures, Carthaginois, Juifs, Assyriens, Phéniciens, Perses ou Parthes, tous atteints par les aigles romaines, pliaient sous le joug des empereurs. Les Indiens et les Chinois, qui seuls échappèrent, durent leur salut à l’éloignement, et surtout à l’ignorance où l’on était dans Rome de leurs richesses et de leur sol. À peine se trouvaient-ils connus de quelques négocians d’Alexandrie, qui en tiraient des étoffes de soie et de coton ; mais on ne savait rien de la situation politique ou géographique de ces pays.

Rome avait subjugué tout ce qui méritait d’être conquis, depuis l’Océan jusqu’aux déserts sablonneux de l’Arabie et aux flots de la mer Caspienne ; depuis les forêts sans ville, sans culture et presque sans population de la Germanie, jusqu’aux rochers de l’Atlas et aux déserts de Barca, dans la Lybie.

Appien, qui écrivit sous le règne d’Antonin une histoire de Rome et des pays qu’elle avait soumis, remarque avec raison que l’île des Bretons, les contrées que les Romains possédaient au delà du Danube et du Rhin, plusieurs royaumes voisins du Caucase ou de l’Arabie, coûtaient beaucoup à l’empire et ne lui rapportaient aucun avantage ; il ajoute que les Romains eussent retiré leurs troupes, s’ils n’avaient regardé comme une honte d’abandonner un pays conquis.

Trajan mourut en retournant à Rome, ainsi qu’Alexandre avait terminé sa carrière lorsqu’il revenait dans la Macédoine. Ni l’un ni l’autre ne revirent les