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hommes, ou cinq centuries ; celles du prétoire, mesurant sept cent vingt pieds, contiennent une cohorte ou six turmes de quarante et un hommes, ou huit de trente et un ; celles de la retenture, comptant quatre cent quatre-vingt-dix pieds, renferment quatre turmes de quarante et un hommes, et trois font deux cohortes.

Il y avait six portes, la prétorienne, la décumane, les deux principales et les deux quintanes.

Tout ce que le luxe avait introduit fut retranché du camp d’Hadrien. Ce prince voulait être instruit de la conduite et des mœurs des soldats et des officiers ; il les exerçait à toutes sortes de combats, récompensait les uns, réprimandait les autres, donnait à tous des leçons, et, pour les instruire par son exemple, menait une vie dure, marchait à pied à côté d’eux, la tête toujours nue, dans les sables brûlans de l’Afrique comme sur les bords glacés du Danube. Ses vêtements étaient de l’étoffe la plus commune ; point d’or sur son baudrier, point d’agrafes de pierreries ; la poignée la plus magnifique de son épée était d’ivoire.

Hadrien embrassa le système d’Auguste, et jugea qu’il fallait plutôt rapprocher que reculer les bornes de l’empire, déjà trop étendu ; il les replaça aux rives de l’Euphrate, et abandonna les provinces conquises entre ce fleuve et le Tigre.

Cet empereur fit peut-être des lois plus humaines et plus sages qu’aucun de ses prédécesseurs ; et ces lois, influant sur tout l’empire, étaient à la fois celles de l’Italie, de l’Asie Mineure et des Gaules. C’est lui qui défendit de ravir aux enfans, par des confiscations, l’héritage d’un père condamné pour ses crimes. Il sentait qu’en les privant de leurs biens, la loi était aussi contraire à la politique qu’à la raison ; qu’en ôtant à des enfans innocens les moyens de subsister, on commet une injustice à leur égard, on leur fait une sorte de nécessité du brigandage, et qu’une pareille loi ne pouvait qu’affaiblir dans l’esprit du peuple l’idée morale du respect que l’on doit à la propriété.

Hadrien enleva encore à des maîtres despotes le droit exécrable de punir de mort les fautes de leurs esclaves ; il fit intervenir le magistrat entre l’esclave et le maître irrité. Cette loi, que les historiens n’ont pas assez remarquée, est peut-être celle qui apporta le plus grand changement dans les mœurs et dans les opinions ; elle releva un peu l’âme abattue de la plus nombreuse partie du genre humain, asservie au plus petit nombre. On n’eut point imaginé cette loi du temps de la république ; Auguste ni Tibère n’eussent pas été assez puissans pour la faire recevoir. L’influence du pouvoir impérial dut adoucir un peu l’âpreté et l’orgueil républicain ; le titre de citoyen commençait à inspirer moins de fierté, le nom d’homme devenait quelque chose.

Cependant toutes les formes du gouvernement étaient républicaines, et l’on pouvait encore appliquer à l’empire ce que Polybe avait dit de la république pendant la seconde guerre punique, qu’elle réunissait les avantages des états libres et des états monarchiques. Toutefois quelques faux principes annonçaient les germes de la destruction. Chaque légion domiciliée dans la province qu’elle devait défendre, s’y faisait une patrie et un parti, oubliait le Sénat et se dévouait à son chef.

L’Italie, changée en jardin, dédaignait la culture ; l’Afrique nourrissait Rome ; la subsistance du centre de l’empire dépendait des vents, des corsaires, du caprice des empereurs, des