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La comparaison de ces narrateurs dont nous parlons semble d’autant plus fausse, que, de tous les prétendans à l’empire, aucun n’entra dans l’Italie et n’eut le moindre crédit à Rome. Gallien les repoussa toujours, défit plusieurs d’entre eux en bataille rangée, et, malgré le luxe, la mollesse et l’insouciance qu’on lui reproche, trouva l’art de faire durer son règne huit années ; ce qui n’était arrivé à aucun empereur depuis Alexandre Sévère.

L’ancienne constitution avait été détruite par ces empereurs. Le peuple et le sénat en conservaient cependant encore quelques formes, et avaient pour elles un amour aveugle qui ne permettait pas de donner à l’état une constitution nouvelle.

Aurélien, dit-on, fut le premier qui ceignit un diadème : ses prédécesseurs avaient toujours évité de frapper les yeux du peuple par cette marque trop connue de la royauté. Aurélien ne la portait du reste que rarement ; ce fut Constantin qui s’en fit une parure ordinaire.

Aurélien avait rétabli la discipline dans les armées, et il eût désiré de réformer les vices de tout l’empire ; mais il n’était qu’un soldat sans lettres et sans connaissance des principes constitutifs d’un état.

Il est remarquable que tous les empereurs nommés par le sénat, Nerva, Papien, Albin, Tacite, furent des vieillards. On voit que le sénat se flattait de gouverner sous eux, et espérait peut-être avoir assez de crédit à leur mort pour empêcher des nominations nouvelles et se ressaisir de l’autorité.

Dès que Tacite eut été désigné pour successeur d’Aurélien, il donna, dit-on, son patrimoine au public, et la liberté aux esclaves qu’il comptait à Rome. Ils se trouvèrent au nombre de cent, et l’on remarque que c’était bien peu pour un sénateur. Tacite en avait encore dans ses maisons de campagne et dans ses terres ; l’on peut juger par cette remarque que la plus grande partie du genre humain se trouvait plongée dans la servitude.

Nous avons vu comment les Romains défrichèrent, avec leurs colonies, les environs de l’Éridan : les Grecs avaient aussi porté des colons aux rives de l’Euxin et du Bosphore. Plus tard, les légions romaines étant parvenues à planter leurs aigles victorieuses sur les bords du Danube et du Rhin, les pays qui s’étendent de la Macédoine et de l’Étrurie vers ces fleuves se peuplèrent assez considérablement.

Cette prospérité s’accrut sous les premiers empereurs, et se développa jusqu’au règne de Marc Aurèle ; mais, lorsqu’une peste cruelle eut emporté la moitié du genre humain ; que les impôts devinrent excessifs ; quand la vertu militaire se fut énervée au point de laisser les Barbares franchir les frontières, dévaster la Thrace, la Grèce et l’Asie Mineure, la population diminua, et l’empire s’affaiblit dans une proportion semblable.

Quelques empereurs, il est vrai, permirent de temps en temps à de petites hordes de se fixer dans certaines contrées ; cependant ils avaient, en général, conservé l’ancien système politique de fermer l’empire aux étrangers.

Probus s’éloigna de cette voie. Né en Pannonie, ayant plusieurs officiers de sa nation dans son conseil, il n’éprouvait pas pour les Barbares cette haine et ce mépris qu’avaient sentis si long-temps les citoyens de Rome et de la Grèce ; il crut utile de les bien traiter, de leur faire goûter la paix et le repos, et les força de cultiver les lieux où il les