Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 2, 1836.djvu/332

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
— 324 —

rée des Grecs et des Romains ; les auteurs contemporains, dans leur effroi, ne nous ont débité que des fables. C’est presque de nos jours qu’un savant français, de Guignes, découvrit l’origine de ce peuple : il l’a trouvée en lisant les historiens de l’Asie, et les comparant aux historiens de la Grèce et de Rome.

Les révolutions produites par l’arrivée de ce peuple sont intéressantes ; les mœurs de ces nomades jettent un grand jour sur les nomades qui habitaient la Gaule avant la conquête de Jules César, et sur ceux qui la reprirent aux Romains.

L’histoire que nous venons d’écrire depuis les premières incursions connues des Gaulois jusqu’au règne de Constantin, nous a montré Rome soumettant tous les nomades de son voisinage, posant des colonies sur leur territoire, et partageant le sol entre des propriétaires qui le cultivaient, ou forçaient les vaincus à le défricher.

D’abord les Romains s’avancèrent du Tibre à l’Éridan, et bientôt après de l’Éridan au Danube. Ils repoussèrent les nomades au delà de ces fleuves, et leur fermèrent constamment les chemins de l’Italie.

Après la conquête des Gaules, le sénat, fidèle à ses principes, y établit des colonies, porta dans ce pays des plantes inconnues aux Gaulois, résolut de les former à l’agriculture, et même aux arts mécaniques et aux beaux-arts.

Enfin les Romains donnèrent aux Gaulois des mœurs, des lois, de l’instruction ; ils fondèrent de véritables villes, des écoles, des ateliers, des théâtres, des temples, des manufactures, des arsenaux. Les Romains abolirent d’affreuses superstitions, substituèrent une religion douce à un culte féroce, changèrent partout les sauvages en hommes policés, repoussèrent loin des frontières de la Gaule les Cimbres, les Teutons, les Helvètes, les Germains, les Suèves, et en interdirent l’entrée, pendant trois cents ans, aux nomades de l’Orient et du Nord, comme ils leur avaient constamment fermé l’Italie.

C’est ainsi que Rome expiait l’injustice de ses conquêtes, et se montrait digne de ses succès.

Mais elle n’eut pas seule cette gloire. On voit le plus grand peuple de l’Asie suivre la même conduite avec des formes différentes ; on le voit défricher comme les Romains toutes les terres qu’il trouve propres à l’agriculture, porter comme eux ses conquêtes jusque dans les déserts, produire par ses victoires des événemens dont l’enchaînement a occasionné des révolutions chez les peuples de l’Europe, comme les armées de Rome en causèrent chez les nations de l’Asie ; étendre enfin son influence dans les Gaules, et contribuer, non d’une manière immédiate, mais insensiblement, par une succession d’événemens glorieux, à la destruction de Rome, et à la fondation de la monarchie française. Ce peuple, qui jouissait dans l’Orient d’une renommée non moins grande que celle de Rome dans l’Occident, est le peuple chinois.

La lutte des nomades, Scythes, Celtes, Tartares, Gaulois, contre les peuples agricoles, Indiens, Chinois, Perses, Romains ou Grecs, est le grand tableau que présente le genre humain pendant l’époque désignée sous le nom d’histoire ancienne. Alors, les peuples nomades furent presque toujours vaincus, des mers de la Corée à l’Océan Germanique.

Ils n’étaient cependant ni détruits, ni réduits à cultiver leurs champs. Le nord de l’Asie ne leur offrait que des déserts