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première ligne, Végèce dit qu’on en faisait souvent deux, et l’on doit admettre qu’il n’y avait réellement qu’une cohorte militaire partagée en deux pour garder les deux flancs de la ligne de bataille. À une époque antérieure, lorsque la cohorte milliaire créée par Hadrien ne se divisait pas, les historiens ne nous disent rien de la place positive que cette troupe d’élite occupait. On ne peut donc former à cet égard que des conjectures. C’est dans cette cohorte que se réfugiaient les enseignes et l’aigle de la légion.

Tacite a vanté les effets d’une baliste de campagne qui renversait des files entières. Aucun écrivain avant Tacite ne fait mention de ces machines attachées aux légions. Polybe n’en parle que pour les attaques ou les défenses de places et de retranchemens ; on s’en servait aussi pour les passages de rivières.

Après la translation de la capitale de l’empire, l’abus des machines devint excessif. C’était, comme le remarque très-bien un moderne, le génie des Grecs de cette époque. On voit que du temps de Végèce ces machines s’étaient déjà beaucoup multipliées, puisque chaque centurie possédait une petite baliste servie par onze hommes, et que l’on comptait de plus dans la légion dix onagres ou grandes balistes, un par cohorte. Les grosses pièces se démontaient en trois assemblages principaux que l’on traînait sur des chariots attelés avec des bœufs.

Quand on donne sa confiance aux machines meurtrières, dit un autre écrivain non moins judicieux, c’est une preuve de la crainte que l’on a de combattre. Cette crainte, ajoute-t-il, est l’effet de deux causes, le défaut de discipline ou celui des armes. Cette maxime, d’une vérité incontestable, s’applique surtout à un peuple chez qui l’arme de jet n’était que secondaire. L’introduction des machines de guerre dans la légion, en embarrassant sa marche, détruisit la mobilité qui faisait une grande partie de sa force, et devint pour les milices romaines une des causes les plus efficaces d’abâtardissement.

La même indiscipline qui permettait au soldat de cesser les exercices et de quitter les armes défensives, livrait souvent la province à son insolence. Les finances étaient mal administrées, les propriétés peu sures. La quantité de terres incultes qu’offrait alors l’Italie est la preuve certaine que le prix des terres avait baissé considérablement.

Si donc à cette grande époque du règne de Théodose où l’empire fut remis sous un chef pour être bientôt après déchiré sans retour ; si j’examine le bonheur des peuples, comme je l’ai fait au temps de Marc-Aurèle, je trouve que le thermomètre politique présente des résultats bien différens.

1o . L’état militaire, en y comprenant les Barbares, est beaucoup trop fort ;

2o . La discipline presque entièrement anéantie ne défend plus les citoyens ;

3o . Les impôts devenus arbitraires, surtout depuis l’admission des Goths et leurs ravages, ne peuvent se proportionner aux richesses et à la pauvreté des diverses classes ;

4o . Le numéraire a presque disparu par le pillage des Barbares, et les subsides qu’on payait fréquemment aux chefs de tant de hordes pour les empêcher de faire des incursions. Beaucoup de pères de famille enfouissent ou cachent l’or et l’argent qu’ils possèdent, et la rareté du numéraire rend le commerce très-difficile ;