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Ce fut Camille qui donna le grand bouclier au soldat de rang. Le légionnaire en prenait un soin extrême, et se plaisait surtout à le décorer. Scipion l’africain remarquant un poltron qui avait outré les ornemens du sien, lui dit : « Tu as raison, tu mets plus de confiance dans ton bouclier que dans ton épée. »

Représentons-nous le soldat romain en bataille, tel que nous le voyons dans quelques monumens de l’antiquité. Du bras gauche il soutenait son bouclier ; il tenait le pilum de la main droite ; de pied ferme, il s’appuyait sur cette arme, et la brandissait à la hauteur de l’oreille en allant à la charge.

Dans le temps des consuls, les soldats étaient ordinairement rangés sur dix de hauteur. D’un homme à l’autre, il y avait, en rangs et files, six pieds de distance, (environ cinq des nôtres). Polybe dit expressément que les soldats étaient obligés d’éclaircir ainsi leurs rangs afin de pouvoir se servir librement de l’épée, et parer les coups de l’ennemi avec le bouclier. Chaque homme pouvait ainsi agir indépendamment l’un de l’autre, se tourner et se poster à son avantage.

Nous avons dit que les vélites commençaient le combat ; mais aussitôt que les lignes s’approchaient, cette troupe légère s’écoulait entre les intervalles de l’infanterie pesante, ou sur ses flancs. Les hastaires s’avançaient au pas de course, déchargeaient sur leurs adversaires le terrible pilum lorsqu’ils n’en étaient plus séparés que de douze ou quinze pas, et mettaient ensuite l’épée à la main. Ils combattaient à la manière des gladiateurs, le pied droit en avant, frappant d’estoc plutôt que de taille, et heurtant l’ennemi avec la convexité du bouclier.

Si les deux lignes opposées s’abordaient sans se pénétrer, le premier rang seul pouvait faire usage du glaive ; les autres le soutenaient et remplaçaient successivement les hommes blessés ou fatigués. Mais les deux armées se mêlaient-elles, comme il arrivait d’ordinaire ? alors tous les rangs prenaient une égale part à l’action, et le combat devenait général.

Lorsque la fortune se déclarait contre les hastaires, les princes marchaient à leur secours. La première ligne opérait sa retraite à travers les intervalles des manipules de la seconde, et les princes renouvelaient le combat contre un ennemi déjà harassé et souvent en désordre.

Cependant les triaires se tenaient en réserve, un genou en terre, afin de mieux se couvrir de leurs boucliers. S’ils voyaient fléchir les princes, ils se relevaient soudain, ralliaient les deux premières lignes, formaient une espèce de phalange, et marchaient en avant. L’ennemi, fatigué par deux combats meurtriers, devait difficilement résister à cette nouvelle attaque soutenue par les meilleurs soldats. C’était aussi le dernier espoir de la patrie.

À l’approche d’un ennemi connu pour son impétuosité, ou nombreux en cavalerie, rien n’était plus facile que de former un front sans intervalle, en faisant marcher les princes pour occuper les vides derrière lesquels ils étaient placés. La seconde ligne s’enchâssait alors dans la première. Quelquefois on se contentait de faire occuper les intervalles par les vélites ; enfin, dans les batailles où l’on était menacé d’un grand train d’éléphans, les manipules des princes rompaient l’échiquier en se plaçant derrière les manipules des hastaires, et les triaires se mettaient à la queue des princes.

De cette manière, les éléphans observés et chassés par les vélites, trouvaient