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remèdes sur des maux trop invétérés. Léon avait besoin d’être secondé, et vraisemblablement il ne trouva personne en état de remplir une tâche aussi difficile. Ayant engagé d’abord contre les Bulgares une guerre qui ne fut pas heureuse, Léon prit à sa solde une horde de Turcs, et les fit transporter sur la rive droite du Danube. Ce fut la première fois qu’un empereur chrétien osa employer cette milice dangereuse, qui renversa le trône d’Occident.

Lors de la destruction totale de l’ordre politique établi par les Romains ; dans cette fatale occupation de l’état, des biens publics et des propriétés particulières ; l’excès du malheur attacha au clergé qui présentait du moins quelque image de la gravité et de la majesté romaine.

Le clergé haïssait naturellement les Barbares ; ne pouvant leur opposer la force, il entreprit de les dominer en les convertissant. Les femmes des vaincus jouèrent ici le principal rôle. Elles étaient chrétiennes, elles firent baptiser les enfans qu’elles eurent des Barbares, et ceux-ci finirent par adopter les dogmes de leurs femmes et de leurs enfans.

En moins de trois cents années, les Gaulois avaient changé trois fois de religion : ils avaient quitté le culte des druides un peu avant le premier siècle de l’ère chrétienne, pour embrasser l’Hellénisme, qu’ils commencèrent à délaisser pendant le second siècle. Ces religions et celle des chrétiens se trouvaient encore dans les Gaules avec le paganisme du Nord, apporté par les Barbares.

Les Visigoths avaient oublié leurs dieux et embrassé l’arianisme : cet exemple fut suivi par les Bourguignons. Le clergé gaulois n’était pas arien ; il détestait donc les Visigoths et les Bourguignons, comme Barbares et comme hérétiques. On trouve là une des causes principales qui préparèrent les succès de Clovis.

À cette époque, les nations nomades étaient victorieuses dans l’Asie et dans l’Europe ; et si l’on reporte sa pensée sur les siècles dont nous venons de décrire les événemens politiques et militaires, on verra que cette histoire, depuis les incursions de Bellovèse jusqu’à celles de Clovis, n’est autre chose que le combat des nomades contre les peuples agricoles. Ce combat, qui dura tant de siècles, présente une des grandes époques de l’histoire du genre humain.

Nous avons observé qu’on pouvait le considérer comme divisé en deux classes : l’une de nomades errans, entre le 40e et le 60e degré de latitude ; l’autre d’agricoles fixés entre le 40e et le 10e. Nous avons dit qu’au delà du 60e degré au nord, il n’existe que des peuples de chasseurs ou d’icthiophages, tels que les Lapons et les Saimoïèdes ; et qu’au midi, par delà le 10e degré, on ne trouve que des peuplades de Nègres ou de Bédouins. Enfin, nous ne devons reconnaître de véritable nation que dans les cinquante degrés de latitude, disputés par les nomades et les agricoles.

Ces deux grandes classes, si différentes d’esprit, de mœurs, formaient un contraste frappant depuis les mers de la Corée jusqu’à l’Océan Germanique. Elles se faisaient la guerre, les nomades entreprenant d’envahir les terres des agricoles, et de passer dans des climats plus doux ; les agricoles défendant leurs richesses, leurs villes, leur sol natal, contre les incursions de ces Barbares. On ignore depuis combien de siècles durait ce combat, lorsque le sénat de Rome forma le dessein d’interdire les régions du Midi aux inva-