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de cesser, quand la horde de Clovis le reconnut pour chef. Il n’eut à vaincre que des Barbares ; mais ses succès appartiennent à l’histoire des Français.

C’est là qu’on doit voir comment les Francs, composés de hordes ambulantes, s’attachèrent au sol, eurent d’abord un pays, et ensuite une patrie ; de quels peuples ils triomphèrent ; par quels moyens ils purent contraindre les peuplades de la Germanie à pratiquer l’agriculture ; comment enfin ils jetèrent dans ces contrées le fondement de plus de villes que les Romains n’en élevèrent au bord du Rhin, du Danube et du Mein.

Le christianisme avait concouru à détruire l’empire de Rome, en y introduisant des mœurs et des opinions moins saines que celles de l’antiquité. Il améliora le sort des Germains par des usages et des idées supérieurs à ceux de leurs ancêtres. Les nomades de la Germanie prirent presque en même temps la charrue et la croix.

Ce que les Romains avaient tant désiré s’accomplissait enfin, mais par d’autres motifs. Cependant l’instinct secret qui fait peser les nations du Nord sur celles du Midi, et qui entraîne leurs habitans comme leurs armées, ne cessa point d’agir. Il se manifesta différemment.

Bourguignons, Alains, Vandales, Visigoths, toutes ces nations viennent se confondre, et l’on voit se former au milieu de tant de mœurs disparates, un peuple différent de ceux qui ont passé sous nos yeux ; race mêlée de la race indigène, de celle des Romains, des Grecs, des habitans du Nord, de la Germanie, et même de la Tartarie ; peuple dans lequel, après quinze siècles, on retrouve encore des contrastes nés de cette fusion : l’inquiétude des Barbares, la violence et la force des septentrionaux, la sagacité et l’industrie de l’habitude du Midi, et tous ces traits primitifs des Gaulois, qui sont tels que César nous les a dépeints.

C’est de ce mélange que se compose le caractère variable, flexible, ardent, belliqueux dont est doué ce peuple, et qui en fait la nation la plus active, la plus entreprenante, la plus audacieuse de l’Europe ; la plus capable d’embrasser à la fois une immense quantité d’objets, pour les abandonner souvent avec la même légèreté qu’elle en apporte à vouloir les soumettre.



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